20 Minutes (Nantes)

C’est moins gay avec les clichés

« Epouse-moi mon pote» illustre une nouvelle fois l’incapacité de la comédie française à traiter sans lourdeurs ni poncifs la réalité de la vie des homos.

- Fabien Randanne

«Yassine, jeune Marocain, vient à Paris faire ses études avec un visa étudiant. Il rate son examen, perd son visa et se retrouve en situation irrégulièr­e. Pour y remédier, il se marie avec son meilleur ami. Un inspecteur tenace se met sur leur dos pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc... » Tel est le pitch de Epousemoi mon pote, le film de Tarek Boudali sorti ce mercredi. Quatre ans après la promulgati­on de la loi dite « mariage pour tous », cette réforme sociétale a été peu abordée dans le cinéma français. Hormis Epouse-moi mon pote – intitulé Mariage (blanc) pour tous au départ du projet – il est question de noces homosexuel­les dans la scène finale de Toute première fois (2015) et dans une séquence d’Embrasse-moi !, à l’affiche cet été. A chaque fois, il s’agit de comédies… « Cela témoigne simplement de la règle tacite qui veut que les sujets soient abordés en premier par le prisme de la comédie, avance Didier Roth-Bettoni, auteur de L’Homosexual­ité au cinéma (éd. La Musardine). C’est une façon de remédier à l’hostilité prétendue d’une partie du public, de rendre un sujet acceptable. » « L’aspect commercial entre en jeu, note Franck Finance-Madureira, président-fondateur de la Queer Palm [le prix LGBT du Festival de Cannes] et corédacteu­r en chef de FrenchMani­a.fr. Quand on voit ce que les débats sur

« Une forme d’homophobie censée être acceptable au nom de l’humour. »

l’ouverture du mariage aux couples homosexuel­s ont provoqué, cela peut nourrir les réticences de producteur­s. » Au cinéma, la donne est différente. Les représenta­tions des homosexuel­s dans Toute première fois et Epouse-moi mon pote n’évitent pas les clichés. « On en revient toujours à la caricature de l’homosexuel efféminé et obsédé sexuel. On peut rire de beaucoup de choses… quand c’est drôle ! Quand c’est simplement de la paresse intellectu­elle et des clichés identiques à ceux d’il y a quarante ans, ce n’est pas amusant », déplore Didier Roth-Bettoni. Franck Finance-Madureira abonde : « En 2017, si deux hommes comme Philippe Lacheau et Tarek Boudali voulaient se faire passer pour gays, comme les personnage­s

qu’ils incarnent dans Epousemoi mon pote, ils n’auraient pas grandchose à faire. » Pas besoin d’aller danser dans le Marais vêtu d’une improbable tenue disco que même le plus gay des artistes de l’Eurovision n’envisagera­it pas de porter. « C’est comme quand Christine Boutin dit qu’elle a un ami homo. Plusieurs films se défendent de suspicions d’homophobie en expliquant qu’ils montrent des personnage­s gays, affirme Franck Finance-Madureira. L’argument “c’est cliché mais c’est pour rire” n’est plus possible car cela légitime une forme d’homophobie censée être acceptable au nom de l’humour. On sait que des films comme Epouse-moi mon pote s’adressent à un public jeune. Cela m’inquiète qu’un ado qui s’interroge sur son orientatio­n sexuelle tombe sur ce genre de représenta­tion de l’homosexual­ité. »

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Epouse-moi mon pote, en salles depuis mercredi.
 ??  ?? Philippe Lacheau (à gauche) et Tarek Boudali interprète­nt deux amis qui contracten­t un mariage blanc.
Philippe Lacheau (à gauche) et Tarek Boudali interprète­nt deux amis qui contracten­t un mariage blanc.

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