C’est moins gay avec les clichés
« Epouse-moi mon pote» illustre une nouvelle fois l’incapacité de la comédie française à traiter sans lourdeurs ni poncifs la réalité de la vie des homos.
«Yassine, jeune Marocain, vient à Paris faire ses études avec un visa étudiant. Il rate son examen, perd son visa et se retrouve en situation irrégulière. Pour y remédier, il se marie avec son meilleur ami. Un inspecteur tenace se met sur leur dos pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc... » Tel est le pitch de Epousemoi mon pote, le film de Tarek Boudali sorti ce mercredi. Quatre ans après la promulgation de la loi dite « mariage pour tous », cette réforme sociétale a été peu abordée dans le cinéma français. Hormis Epouse-moi mon pote – intitulé Mariage (blanc) pour tous au départ du projet – il est question de noces homosexuelles dans la scène finale de Toute première fois (2015) et dans une séquence d’Embrasse-moi !, à l’affiche cet été. A chaque fois, il s’agit de comédies… « Cela témoigne simplement de la règle tacite qui veut que les sujets soient abordés en premier par le prisme de la comédie, avance Didier Roth-Bettoni, auteur de L’Homosexualité au cinéma (éd. La Musardine). C’est une façon de remédier à l’hostilité prétendue d’une partie du public, de rendre un sujet acceptable. » « L’aspect commercial entre en jeu, note Franck Finance-Madureira, président-fondateur de la Queer Palm [le prix LGBT du Festival de Cannes] et corédacteur en chef de FrenchMania.fr. Quand on voit ce que les débats sur
« Une forme d’homophobie censée être acceptable au nom de l’humour. »
l’ouverture du mariage aux couples homosexuels ont provoqué, cela peut nourrir les réticences de producteurs. » Au cinéma, la donne est différente. Les représentations des homosexuels dans Toute première fois et Epouse-moi mon pote n’évitent pas les clichés. « On en revient toujours à la caricature de l’homosexuel efféminé et obsédé sexuel. On peut rire de beaucoup de choses… quand c’est drôle ! Quand c’est simplement de la paresse intellectuelle et des clichés identiques à ceux d’il y a quarante ans, ce n’est pas amusant », déplore Didier Roth-Bettoni. Franck Finance-Madureira abonde : « En 2017, si deux hommes comme Philippe Lacheau et Tarek Boudali voulaient se faire passer pour gays, comme les personnages
qu’ils incarnent dans Epousemoi mon pote, ils n’auraient pas grandchose à faire. » Pas besoin d’aller danser dans le Marais vêtu d’une improbable tenue disco que même le plus gay des artistes de l’Eurovision n’envisagerait pas de porter. « C’est comme quand Christine Boutin dit qu’elle a un ami homo. Plusieurs films se défendent de suspicions d’homophobie en expliquant qu’ils montrent des personnages gays, affirme Franck Finance-Madureira. L’argument “c’est cliché mais c’est pour rire” n’est plus possible car cela légitime une forme d’homophobie censée être acceptable au nom de l’humour. On sait que des films comme Epouse-moi mon pote s’adressent à un public jeune. Cela m’inquiète qu’un ado qui s’interroge sur son orientation sexuelle tombe sur ce genre de représentation de l’homosexualité. »