La lutte fait « shit »
La drogue est au centre d’une soirée spéciale de France 2, ce mercredi. Partenaire de l’événement, « 20 Minutes » se penche sur les raisons du difficile démantèlement des réseaux de trafiquants.
«Il y a quelque chose qui ne va pas, constate Michel Kokoreff, professeur de sociologie à l’université Paris-VIII et auteur du livre La drogue est-elle un problème ? (Payot). Nous vivons dans l’un des pays les plus répressifs et, pourtant, c’est l’un de ceux où la consommation de cannabis est la plus élevée. » A l’occasion, ce mercredi, de la soirée spéciale de France 2 intitulée « La drogue, un échec français ? » (lire ci-contre), 20 Minutes s’est penché sur la lutte contre le cannabis. Selon un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), paru en juin, quatre Français sur dix auraient déjà expérimenté le cannabis et 1,4 million en fumeraient régulièrement (700000 quotidiennement). Des chiffres qui restent stables, précise l’OFDT, alors que la législation punit tout aussi lourdement le trafic que la consommation du produit. Les usagers risquent en effet une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. Dans les faits, toutefois, ces derniers ne sont sanctionnés que par « de simples rappels à la loi ou des amendes de faible montant », a reconnu en juillet le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.
Des moyens « insuffisants »
Bernard Cazeneuve, son prédécesseur, avait annoncé en 2015 dans les colonnes du Parisien une salve de mesures choc censées éradiquer les trafics de drogue à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Trois ans plus tard, « le trafic est toujours aussi important, déplore Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO en Ile-de-France. De grandes annonces ont été faites, mais, derrière, les moyens n’ont pas suivi. » A SaintOuen, la brigade anticriminalité (BAC) ne compte que dix agents, et la brigade spécialisée de terrain (BST) à peine le double. Par ailleurs, la procédure est si lourde que, lorsque les policiers trouvent une petite quantité de cannabis, ils préfèrent la détruire et laisser partir le consommateur afin de ne pas perdre de temps et de chercher des quantités de drogue plus importante, avaient confié certains d’entre eux à 20 Minutes. C’est notamment pour cette raison que le gouvernement entend contraventionnaliser l’usage de cannabis. Une « mesurette » qui ne dissuadera pas les acheteurs, tranche Michel Kokoreff. Et de considérer, en revanche, que légaliser le cannabis permettrait d’assécher le trafic dans les cités, à l’Etat de contrôler la qualité du produit vendu, de gagner de l’argent et d’investir davantage dans la prévention.