Un groupe de trans pas très fans du terme « LGBT »
Trois artistes témoignent de la place des transgenres dans la société
« Gays, trans, drag-queens... Tout se mélange dans l’esprit de gens. » Natsuki, leader du groupe
De notre correspondant à Tokyo (Japon), Mathias Cena
A kihabara, un soir de fin février. Dans une rue de ce quartier de Tokyo, à la population geek et otaku (amateur de mangas) des personnes viennent assister à un concert d’« idols », de jeunes artistes, proches de leurs fans, qui chantent, dansent ou jouent la comédie. Dans les coulisses, un duo féminin en robes bleues et roses et une équipe d’adolescentes se préparent. La première partie de concert est assurée par les Himitsu no Otome – les jeunes filles secrètes –, un trio transgenre, pas « classique » dans le monde des idols, qui se produit pour la première fois en public. « On craignait des réactions négatives des spectateurs », confie Natsuki, leader du groupe. « Mais les gens ont été chaleureux, ça nous a encouragées », embraie sa partenaire, Gorina. En se produisant sur scène, elles disent vouloir « abattre le mur de l’incompréhension ». Au Japon, l’existence des minorités sexuelles est loin d’être une évidence. « Gays, trans, drag-queens… Tout se mélange un peu dans l’esprit des gens, regrette Natsuki. Il y a l’image de l’okama [terme péjoratif qui désigne les hommes homosexuels] jovial, à forte personnalité et amusant en société, qui est véhiculée à la télévision. » Des personnalités comme Matsuko Deluxe, un homme travesti omniprésent dans les émissions de variété, incarnent une parole libre. « Je respecte beaucoup Matsuko, témoigne Natsuki. C’est aussi grâce [aux gens comme lui] qu’on peut avoir cette place et former ce groupe. » Lucide sur la situation des minorités sexuelles dans son pays, le trio reconnaît malgré tout un début d’ouverture dans la société. « Avant on pouvait se faire traiter d’“okama” dans la rue, mais de plus en plus de gens nous acceptent », reconnaît Gorina. Ainsi, les chaînes de télé multiplient les séries avec des personnages LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres] s’éloignant des caricatures. Et pour encourager la tolérance, le groupe aimerait voir disparaître le terme « LGBT ». « C’est simpliste et problématique de tout vouloir regrouper sous un terme unique, pense Natsuki. Nous sommes trans et nous ne savons pas spécialement ce que ressentent les L, G et B ni les difficultés qu’ils rencontrent. » Tout en se défendant de vouloir être les symboles d’une communauté, les Himitsu no Otome se verraient bien représenter « ceux qui cassent le mur ».