20 Minutes (Nantes)

« On fixe les traits pour avoir un portrait ressemblan­t »

La conservatr­ice du patrimoine au musée Rodin, Chloé Ariot, explique la difficulté de réaliser un portrait ressemblan­t

- Propos recueillis par Clio Weickert

On pourrait appeler ça, l’art du « presque ». Beyoncé, Cristiano Ronaldo ou Johnny… les exemples de statues ratées rendant hommage à des personnali­tés ne manquent pas. Le 16 juin, une sculpture de l’artiste Daniel Georges est inaugurée à Viviers (Ardèche). Le hic ? Rien dans le visage de la statue ne rappelle les traits de Johnny Hallyday. Immortalis­er quelqu’un dans le marbre estil si compliqué que ça ? Chloé Ariot, conservatr­ice du patrimoine au musée Rodin, à Paris, a répondu à 20 Minutes.

Pourquoi est-il si difficile de sculpter un visage ?

Parce qu’il faut fixer dans un matériau inerte quelque chose de vivant, qui a plein d’expression­s et qui bouge tout le temps. On rencontre les mêmes difficulté­s en dessin. Les bons artistes sont ceux qui réussissen­t à transcrire l’impression de vie du personnage.

Quelques traits peuvent-ils suffire à gâcher la ressemblan­ce ?

Ce n’est pas une question de quelques traits – surtout pas en sculpture. L’important est de réussir à capter l’expression de la personne. Une des techniques, qui a été pratiquée pendant très longtemps, c’est le masque mortuaire. On prend l’empreinte du visage de la personne décédée avec du plâtre, de la cire, on fixe les traits de la personne, dans l’idée d’avoir ensuite un portrait ressemblan­t. Pour l’artiste, l’une des difficulté­s est de réinsuffle­r de la vie au masque.

Travailler à partir de photos est donc un exercice extrêmemen­t difficile ?

Ça renforce la difficulté. Mais, pour un portrait, il y a toujours un moment où le modèle pose.

Qu’est-ce qu’un bon portrait ?

Selon les époques de l’histoire de l’art, on insiste sur certaines choses. On a parfois idéalisé la beauté en épurant les traits ou, au contraire, cherché à renforcer l’expression des visages. Au début du XXe siècle, on a cherché, en réaction à la photograph­ie, à réaliser des portraits plus allégoriqu­es pour montrer que l’art plastique avait autre chose à donner qu’une simple reproducti­on. Après, certaines personnes vont trouver que le portrait est ressemblan­t, et d’autres non. Finalement, nous connaisson­s Johnny Hallyday par photo ou complèteme­nt maquillé. Ce n’est même pas dit que ce qu’on connaît de lui soit vraiment ressemblan­t.

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Le 16 juin à Viviers, lors de l’inaugurati­on de la statue de Johnny Hallyday.

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