« Le pays traverse la plus grande crise qu’il ait jamais connue »
Le chercheur Christophe Ventura analyse la crise migratoire vécue par le pays latino-américain
La crise migratoire vénézuélienne éclate au grand jour ces dernières semaines. Selon l’ONU, plus de 1,6 million de ses habitants sont partis depuis 2015, fuyant la pauvreté, l’hyperinflation, les pénuries… Comment le Venezuela en est-il arrivé là ? Christophe Ventura, chercheur à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de la région, évoque cette situation critique.
Le Venezuela est-il aujourd’hui un pays invivable ?
Une partie de la population, celle qui a toujours accès aux dollars, vit correctement, voire très bien pour certains. Mais globalement, oui, le pays traverse la plus grande crise économique et sociale qu’il ait jamais connue, ce qui explique en partie les flux migratoires auxquels on assiste depuis plusieurs années. L’économie n’a plus de sens aujourd’hui au Venezuela, et la monnaie plus aucune valeur. L’inflation est telle que bon nombre de Vénézuéliens ne peuvent plus rien se payer.
Comment le pays en est-il arrivé là, alors qu’il dispose des plus grandes réserves de pétrole au monde et qu’il a longtemps été l’un des Etats les plus florissants d’Amérique latine ?
La crise est multifactorielle. Il y a d’abord l’onde de choc de la crise économique mondiale [2007-2012] qui n’a pas épargné l’Amérique latine. Elle s’est traduite notamment par un effondrement de la demande mondiale en pétrole et une forte chute des cours du baril. Il y a aussi la crise politique à la mort de Hugo Chavez, en mars 2013. Nicolas Maduro [qui était son vice-président] est élu avec difficulté et n’est pas reconnu par une partie de l’opposition. Ce sera le point de départ d’affrontements politiques très forts entre le chavisme et l’opposition.
Le 30 juillet, Nicolas Maduro estimait à deux ans le temps qu’il faudrait pour revenir à la stabilité avant d’annoncer un plan de relance qui entre en vigueur en ce moment… Y croyez-vous ?
Je pense que Nicolas Maduro n’est pas fou et a compris que son pays est au bord de la rupture. Les mesures qu’il a dernièrement prises [la création du bolivar souverain notamment, une monnaie délestée de cinq zéros pour contrer l’hyperinflation] marquent un vrai virage politique. Làdessus, il n’y a aucun doute. Mais rien ne dit que ça va marcher.