« Le rôle de la Nasa est sous-estimé, mais capital »
Sciences Pour Olivier Sanguy, l’agence spatiale, qui vient d’avoir 60 ans, a encore de l’avenir
Soixante ans tout juste. La Nasa a passé un cap important, lundi. Si elle a connu des échecs, l’agence spatiale américaine peut se targuer aussi de belles réussites, dont la plus spectaculaire est sans conteste les premiers pas de l’homme sur la Lune, le 20 juillet 1969. Olivier Sanguy, rédacteur en chef de la rubrique actualité du site de la Cité de l’espace, envisage les soixante prochaines années.
La Nasa est aujourd’hui dépendante d’entreprises privées, ou d’autres agences spatiales, pour réaliser ses programmes… A-t-elle perdu de sa superbe ?
On pourrait le croire, oui, mais, à mon avis, c’est un trompe-l’oeil. Elon Musk le rappelle souvent d’ailleurs : SpaceX n’en serait pas là sans la Nasa et son choix de privatiser la desserte cargo de la station spatiale internationale (ISS). Les restrictions budgétaires, qui ne concernent pas que les Etats-Unis, poussent à aller dans cette direction. Il faut s’attendre à ce que la Nasa soit moins une agence spatiale opérationnelle, et plus une agence de développement qui, par ses commandes, aide les entreprises spatiales privées à se structurer. Ce rôle est un peu sousestimé, il est pourtant capital. D’abord parce que la Nasa n’achète pas les yeux fermés ses lanceurs. Elle reste le donneur d’ordre. Ensuite, parce que l’agence, en tant que premier client de ces entreprises privées, fixe encore aujourd’hui le cap à suivre.
Quelles seront, alors, les prochaines aventures que promet la Nasa ?
Si l’on parle de ses prochains défis, le premier sera de mieux utiliser son budget alloué. Autrement, le programme de la Nasa est de passer l’ISS au privé, afin de dégager du budget pour réaliser une station autour de la Lune. Celle-ci permettrait de faire des missions plus complexes, plus proches de celles prévues sur Mars, quitte même à reposer le pied sur la Lune. Mike Pence, le vice-président américain, a clairement évoqué cette possibilité. Tout ce travail sur la Lune vise à acquérir les bases solides pour aller vers Mars dans la décennie 2030.
La Nasa existera-t-elle encore en 2080 ?
A moins de changer complètement de société, je pense qu’il y aura toujours des agences spatiales dans soixante ans. C’est vrai, les initiatives privées sont extraordinaires, à l’image de SpaceX, qui, en quelques années, a mis au point un lanceur qui revient et qui est réutilisable. Aucune agence spatiale n’y était parvenue jusqu’à présent. En revanche, la science fondamentale reste à l’initiative des Etats, tout simplement parce que les retours sur investissement sont à long terme. Une société privée n’a pas d’intérêt à les entreprendre, une agence spatiale nationale, elle, peut se le permettre.