20 Minutes (Nantes)

Une prothèse doit-elle imiter un membre valide ?

Si certains privilégie­nt l’imitation d’un membre valide, d’autres optent pour la fonctionna­lité

- Thomas Weill

La technologi­e ne permet pas encore de concilier systématiq­uement l’utile à l’agréable à l’oeil. Si, pour un membre inférieur, le besoin de marcher va l’emporter sur l’apparence, pour une prothèse de bras, il y a un vrai choix à faire, et ce n’est pas uniquement une question esthétique. «La main, c’est une relation sociale à l’autre, philosophe Dominique Fillonneau, créateur de l’entreprise Orthofiga et prothésist­e. Le besoin esthétique est important. » Annie Pillet pourrait en attester. A la tête du centre Pillet avec son mari, elle ne réalise que des prothèses esthétique­s en silicone. Impossible de les faire bouger, mais la ressemblan­ce est frappante. « Les patients veulent passer inaperçus. Ce n’est pas que la question du regard des autres, mais aussi celui que la personne porte sur son propre corps. » 84 % des patients de Pillet consultent d’ailleurs à la suite d’un accident plutôt que pour un handicap de naissance.

Différente­s actions

D’autres s’acceptent plus facilement. Yoann, 13 ans, porte une prothèse à la main droite depuis ses 6 mois, du fait d’une malformati­on. Il en possède trois différente­s : une esthétique, une pour faire du vélo, et une myoélectri­que plus fonctionne­lle.

Cette dernière lui permet de réaliser certaines actions. « Elles sont activées par un courant électrique qui passe à la surface de la peau. Le signal est envoyé à un moteur, qui va ouvrir les doigts, les fermer, tourner le poignet, ou faire une pince », explique Dominique Fillonneau, qui a Yoann comme patient.

A en croire sa mère, « s’il pouvait, il vivrait sans ». « Mes amis voient mes prothèses comme des objets spéciaux et uniques, note Yoann. Ils adorent me faire des checks ou me serrer la main. J’en porte une quand j’ai envie d’en porter. » Mais aussi pour éviter les « contractio­ns musculaire­s très importante­s au niveau du cou », précise sa mère. «J’ai assez vite accepté le handicap. Parfois, le regard des enfants est un peu dur, ils sont choqués, déplore Marc Paulien, amputé d’un bras à la suite d’un accident et adhérent de l’Associatio­n de défense et d’étude des

«Je dis que je suis un petit robot, ça fait rire les enfants.»

Marc Paulien, amputé d’un bras

personnes amputées (Adepa). Mais, avec ma prothèse myoélectri­que, je dis que je suis un petit robot, ça les fait rire. Pour moi, l’esthétique était au second plan. Je voulais surtout reprendre une vie à peu près normale.»

Mais les mouvements ne sont pas simples, ils doivent être pensés différemme­nt. « Cela demande une grande plasticité cérébrale», insiste Dominique Fillonneau. C’est pourquoi il est encore impossible de développer des prothèses plus efficaces que des membres valides.

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Sculpture d’une main au centre Pillet.
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Bien équipé, Yoann peut faire du vélo.

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