20 Minutes (Nantes)

Les « gilets jaunes », symbole du délitement de la classe moyenne occidental­e ?

« Gilets jaunes » Le géographe Christophe Guilluy constate un délitement de la classe moyenne

- Propos recueillis par Thibaut Le Gal

Ses thèses sont désormais discutées par l’ensemble de la classe politique. L’intéressé s’en moque et continue de parcourir cette « France périphériq­ue », mise à mal par la mondialisa­tion. Le géographe Christophe Guilluy, auteur de No Society (Flammarion), estime que le mouvement des « gilets jaunes » symbolise le délitement de la classe moyenne occidental­e.

Retrouvez-vous dans les « gilets jaunes » l’incarnatio­n de la France périphériq­ue ?

Complèteme­nt. Mon sujet d’étude, c’est le socle de la classe moyenne : les petits indépendan­ts, les employés, les ouvriers, mais aussi les chômeurs, les paysans, les retraités, etc. Quand vous mettez bout à bout toutes ces catégories, ça forme un tout qu’on appelle la classe moyenne. C’est elle que l’on retrouve chez les « gilets jaunes », les bonnets rouges, mais aussi dans tous les mouvements « populistes » d’Occident.

D’où vient cette colère ?

La mondialisa­tion a un impact terri- torial en concentran­t majoritair­ement les emplois très qualifiés dans les métropoles. La France périphériq­ue (zones rurales, petites villes, villes moyennes) connaît, elle, une forme de désertific­ation des emplois. Les gens se sentent prisonnier­s de leur territoire et sont obligés de prendre leur voiture. Ce mouvement des « gilets jaunes » ne vient pas de nulle part : les gens ont joué le jeu de la mondialisa­tion, de l’Europe, et ils font désormais un constat négatif et rationnel sur leur pouvoir d’achat ou l’ascension sociale.

Peut-on concilier question écologique et question sociale ?

La conscience écologique est aussi forte en bas qu’en haut. Il s’agit avant tout d’une question de moyens : personne ne refusera une voiture électrique pour remplacer son diesel si on la lui offre. Mais il est plus facile d’être écolo, de manger bio quand on est à Paris. Il y a là une grosse hypocrisie et une posture morale qui dénotent un mépris de classe très fort. On retrouve cette mise à distance du diagnostic des classes populaires avec la question du rapport à l’autre : ceux qui prônent l’ouverture vont instaurer pour eux-mêmes un processus d’évitement par leur choix résidentie­l ou par le contournem­ent de la carte scolaire.

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 ??  ?? La contestati­on des « gilets jaunes » s’est poursuivie lundi en France, comme ici en Pays-de-la-Loire.
La contestati­on des « gilets jaunes » s’est poursuivie lundi en France, comme ici en Pays-de-la-Loire.
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