Les « gilets jaunes », symbole du délitement de la classe moyenne occidentale ?
« Gilets jaunes » Le géographe Christophe Guilluy constate un délitement de la classe moyenne
Ses thèses sont désormais discutées par l’ensemble de la classe politique. L’intéressé s’en moque et continue de parcourir cette « France périphérique », mise à mal par la mondialisation. Le géographe Christophe Guilluy, auteur de No Society (Flammarion), estime que le mouvement des « gilets jaunes » symbolise le délitement de la classe moyenne occidentale.
Retrouvez-vous dans les « gilets jaunes » l’incarnation de la France périphérique ?
Complètement. Mon sujet d’étude, c’est le socle de la classe moyenne : les petits indépendants, les employés, les ouvriers, mais aussi les chômeurs, les paysans, les retraités, etc. Quand vous mettez bout à bout toutes ces catégories, ça forme un tout qu’on appelle la classe moyenne. C’est elle que l’on retrouve chez les « gilets jaunes », les bonnets rouges, mais aussi dans tous les mouvements « populistes » d’Occident.
D’où vient cette colère ?
La mondialisation a un impact terri- torial en concentrant majoritairement les emplois très qualifiés dans les métropoles. La France périphérique (zones rurales, petites villes, villes moyennes) connaît, elle, une forme de désertification des emplois. Les gens se sentent prisonniers de leur territoire et sont obligés de prendre leur voiture. Ce mouvement des « gilets jaunes » ne vient pas de nulle part : les gens ont joué le jeu de la mondialisation, de l’Europe, et ils font désormais un constat négatif et rationnel sur leur pouvoir d’achat ou l’ascension sociale.
Peut-on concilier question écologique et question sociale ?
La conscience écologique est aussi forte en bas qu’en haut. Il s’agit avant tout d’une question de moyens : personne ne refusera une voiture électrique pour remplacer son diesel si on la lui offre. Mais il est plus facile d’être écolo, de manger bio quand on est à Paris. Il y a là une grosse hypocrisie et une posture morale qui dénotent un mépris de classe très fort. On retrouve cette mise à distance du diagnostic des classes populaires avec la question du rapport à l’autre : ceux qui prônent l’ouverture vont instaurer pour eux-mêmes un processus d’évitement par leur choix résidentiel ou par le contournement de la carte scolaire.