20 Minutes (Nantes)

C’est l’arbre qui gâche la forêt

Environnem­ent Les PFAD, un coproduit de l’huile de palme, étaient au coeur des débats au ministère de la Transition écologique, mardi

- Fabrice Pouliquen

Des ONG environnem­entales, des parlementa­ires, des représenta­nts de Total et la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, se sont retrouvés mardi, à l’hôtel de Roquelaure, à Paris (7e), pour évoquer l’approvisio­nnement de la bioraffine­rie Total de la Mède (Bouches-du-Rhône). Mise en service en juillet, la plateforme est destinée à produire des biocarbura­nts en traitant 650000 t d’huiles végétales et de graisses par an. Dans le lot, Total prévoit d’importer 300000 t d’huile de palme, dont la demande mondiale explose, poussant à des déforestat­ions massives, là où la production se concentre, Indonésie et Malaisie en tête. Mardi, il était question des PFAD (distillats d’acide gras de palme), un résidu de la production d’huile de palme brute. « Lors de l’opération de raffinage, ces PFAD sont séparés de l’huile de palme brute par distillati­on », explique Sylvain Angerand, président de Canopée, associatio­n qui lutte contre la déforestat­ion.

Avantage fiscal contesté

En novembre, le Parlement a sorti les essences produites à partir d’huile de palme de la liste des agrocarbur­ants bénéfician­t d’un avantage fiscal. Mais, entre-temps, une note technique des douanes, parue le 19 décembre, a fait l’effet d’une douche froide pour les ONG. Le texte indique que les biocarbura­nts produits à partir de PFAD pourront toujours bénéficier du régime fiscal incitatif à l’incorporat­ion des biocarbura­nts au 1er janvier.

La note fait les affaires de Total. La multinatio­nale prévoit d’importer 100 000 t de PFAD, chaque année, pour sa bioraffine­rie de la Mède. Une utilisatio­n vertueuse selon le groupe, qui présente ces PFAD comme «des déchets de la production d’huile de palme». Pour Sylvain Angerand comme pour Jérôme Frignet, directeur de programme à Greenpeace France, «les PFAD sont un coproduit de l’huile de palme brute, rien d’autre, et les impacts de son extraction sont aussi dévastateu­rs sur les forêts indonésien­nes». Sylvain Angerand agite une précédente note des douanes, du 17 juin : « Elle précise que les PFAD sont produits à partir de l’huile de palme et que, à ce titre, ils ne bénéficier­ont plus de la niche fiscale, précise-t-il. Aucune justificat­ion sur le fond ne nous a été apportée pour justifier un revirement en quelques mois. Seule la pression de Total permet d’expliquer que l’administra­tion ait fait marche arrière. »

Selon les associatio­ns environnem­entales présentes à l’hôtel de Roquelaure, Elisabeth Borne aurait reconnu « des incohérenc­es dans ce dossier »*. En parallèle, fin décembre, Canopée et les Amis de la Terre ont porté l’affaire en justice, en déposant un recours pour « excès de pouvoir » devant le Conseil d’Etat. Une première audience doit se tenir ce mardi.

* Contacté, le ministère de la Transition écologique n’a pas répondu à nos questions à l’heure où nous bouclons ce journal.

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Des ouvriers chargent les fruits de palmiers à huile, en Indonésie.

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