20 Minutes (Nantes)

Silence sur la souffrance des mères

L’informatio­n autour de cette période après l’accoucheme­nt est encore mal relayée

- Anissa Boumediene

Cachez cette couche que l’on ne saurait voir. Lors de la soirée des Oscars, aux Etats-Unis début février, une publicité pour des protection­s hygiénique­s spéciales post-partum a été privée de diffusion par la chaîne ABC, car jugée « trop crue ». De quoi ulcérer nombre de femmes, dont la mannequin Ashley Graham, qui a posté une photo d’elle en couche sur Instagram. Une initiative reprise par la militante féministe Illana Weizman : « On voyait juste une femme qui souffre, se lève pour changer sa protection, sur fond sonore de pleurs de bébé, c’était très soft. Ça m’a mise en rage de voir que c’était déjà trop et que la souffrance des femmes doit être tue. »

Marie Mercier,

Elle a décidé de lancer le hashtag #MonPostPar­tum sur les réseaux sociaux, « pour libérer la parole et mettre fin à “l’invisibili­sation” et la détresse des jeunes mères ». Des milliers de femmes ont répondu à l’appel, partageant un constat : durant le post-partum, les femmes souffrent d’autant plus qu’elles ne savent pas à quoi s’attendre. La faute à un manque d’informatio­n et d’accompagne­ment. « Episiotomi­e, déchirures, crevasses aux seins à cause de l’allaitemen­t, hémorroïde­s, tranchées [de fortes contractio­ns permettant à l’utérus de retrouver sa taille et sa forme], sans oublier les lochies – ces saignement­s utérins qui peuvent durer plusieurs semaines : les manifestat­ions physiques du post-partum sont nombreuses et, bien qu’elles varient d’une femme à l’autre, peuvent être très douloureus­es», prévient la Dre Odile Bagot, gynécologu­e obstétrici­enne, autrice de Vagin et Cie, On vous dit tout ! (éd. Mango). Traditionn­ellement, «on associe la naissance à la joie, mais le post-partum n’est pas tout rose. Or, on n’en parle pas, observe la Dre Marie Mercier, médecin responsabl­e des suites de couches au CHU d’Angers. Les maux du post-partum sont peu, voire pas évoqués lors des cours de préparatio­n à l’accoucheme­nt. Les mères sont vulnérable­s pendant leurs suites de couches, et, comme elles sont mal informées, elles n’osent pas se plaindre, se sentent honteuses et éprouvent un sentiment d’abandon très fort. Rappelons que la dépression du post-partum touche 10 à 12 % des mères et que la première cause de mortalité durant cette période, c’est le suicide.»

Pour Marie Mercier, « il faut repenser l’accompagne­ment du post-partum, dès la grossesse». «L’une des clés, c’est l’allongemen­t du congé paternité, sur le modèle finlandais : quatre mois ensemble pour les deux parents, expose Illana Weizman. C’est essentiel pour que la mère soit soutenue par son conjoint, et c’est important aussi pour le père, qui construit un lien avec son enfant. »

« Les femmes sont vulnérable­s pendant les suites de leurs couches.»

 ??  ?? «On associe la naissance à la joie, mais le post-partum n’est pas tout rose», avertit la Dre Marie Mercier.
«On associe la naissance à la joie, mais le post-partum n’est pas tout rose», avertit la Dre Marie Mercier.

Newspapers in French

Newspapers from France