Le combat déjà ancien des mangas
Des séries récentes racontent le harcèlement subi par les femmes. Relancé par l’actualité, ce sujet de BD n’est pas nouveau
« Aujourd’hui encore, il m’arrive de sentir sur moi un regard scruteur, comme si quelqu’un m’épiait. J’espère toujours que ce n’est qu’une impression… » Ces mots sont ceux de Satsuki, jeune opératrice en intérim dans un service client téléphonique et héroïne du manga Moi aussi, de Reiko Momochi, dont le second et dernier tome sort le 22 octobre chez Akata.
Des thématiques de société
Ses mots sont une réalité, une histoire vraie même, celle du combat d’une femme contre le sekuhara, le harcèlement sexuel au travail. Satsuki n’est pas la seule. Une lycéenne victime d’agression sexuelle dans Don’t Fake your Smile (Akata), une adolescente qui disparaît pour fuir un père violent dans Transparente (Kurokawa), une chanteuse de J-pop agressée qui rejette sa féminité dans Sayonara Miniskirt (Soleil)…
La liste n’est pas exhaustive, mais le sujet des violences faites aux femmes est au coeur de l’actualité manga. « Ce n’est pas nouveau, précise d’emblée Bruno Pham, directeur éditorial aux éditions Akata. Il y a toujours eu dans le manga, et notamment le shôjo [le manga pour filles], de grandes thématiques de société. » Dans les années 1990, une oeuvre plus fantasy et qualifiée de divertissante comme Fushigi Yugi abordait déjà le viol.
«On peut même remonter à Moto Hagio avec Le Coeur de Thomas, en 1975, souligne le directeur éditorial. Le shôjo a toujours raconté des histoires dures, le manga a toujours été en avance.» Le mouvement #MeToo a relancé le combat. Et Akata veut placer l’année 2020 sous le signe du féminisme et de l’engagement : pour chaque tome 2 vendu de Moi aussi, une part de 5% sera reversée à l’association Solidarité Femmes.