Déconfinement
«Je n’espère rien avant mars», confie un patron de boîte
Les discothèques sont fermées depuis le 17 mars et n’ont jamais été autorisées à rouvrir. Entretien avec Jérôme Guilbert, patron de quatre boîtes de nuit dans la métropole nantaise (Colors, Elephant club, New Factory, Papa Tango) et représentant du Groupement national des indépendants.
Les commerces sont autorisés à rouvrir samedi. Les discothèques restent une nouvelle fois sur le carreau. C’est une surprise ?
Malheureusement, non. On ne s’attendait pas à un miracle. Ça fait huit mois que ça dure et on a tous compris qu’on ne rouvrira pas avant une vaccination partielle de la population. Je n’espère rien avant, a minima, le mois de mars. Ça nous ferait une année complète de fermeture. Une année blanche.
Avez-vous le sentiment d’être oublié par l’Etat ?
Il est clair qu’on ne fait pas partie des priorités du conseil de sécurité et de défense. Mais, mardi soir, Emmanuel Macron a cité deux fois le mot « discothèque », ce n’est pas anodin. On a eu récemment plusieurs réunions de travail pertinentes avec le gouvernement. Il semble prêt à faire en sorte que notre profession puisse rouvrir dans de bonnes conditions.
Quelles sont les conséquences de cette fermeture ?
Sur le plan financier, c’est extrêmement dur pour les exploitants. On a des aides pour payer nos charges fixes et nos salariés, mais elles ne servent pas à compenser la perte du résultat d’exploitation qui est le seul revenu de l’exploitant. J’échange régulièrement avec les patrons. Il y en a qui pleurent, qui n’ont plus de quoi manger. Sur les 1600 discothèques en France, on en est à un peu plus d’une centaine de fermetures depuis mars. Mais il y en aura d’autres.
Comment vos salariés le vivent-ils ?
Tous sont en chômage partiel. Ça représente une quarantaine d’équivalents temps plein, ainsi qu’une soixantaine de sous-traitants. Et le problème, c’est que je vais en perdre une bonne partie. Ils trouvent d’autres opportunités ou ne se voient plus travailler la nuit. On va devoir recruter et former de nouvelles équipes. C’est un métier extrêmement pointu. Les erreurs à éviter, notamment sur la gestion de l’hyperalcoolisation, sur les stupéfiants, tout cela ça s’apprend.
Le manque se ressent aussi pour les clients ?
Bien sûr ! On reçoit beaucoup de messages de soutien. Certains ne comprennent pas la situation. On exerce un métier de niche mais qui a une importance capitale pour une partie des citoyens. C’est comme une soupape pour eux. Sur mes quatre discothèques, on reçoit environ 350 000 personnes par an. Il ne faut pas croire que demain, la fête va s’arrêter. Les gens en ont besoin. Et celle-ci doit être confiée à des professionnels qualifiés.