«La violence est consubstantielle à la culture de Twitter»
Après une décennie passée à tenter de débattre et de chasser «le faux» sur Twitter, Samuel Laurent (photo) a décroché. Journaliste au Monde, il publie une analyse désenchantée de cette plateforme avec J’ai vu naître le monstre, Twitter va-t-il tuer la #démocratie? (éd. Les Arènes).
Quel rôle Twitter a-t-il joué sur la fabrication de l’information ?
A l’origine, Twitter était un outil rêvé qui permettait aux journalistes de trouver des sujets facilement en leur donnant l’illusion de voir tout ce qui se passait dans le monde. Le problème, c’est que, très vite, il y a eu une surreprésentation des sujets nés sur Twitter dans la fabrication de l’information. Si la majorité des rédactions n’a pas vu arriver le mouvement des «gilets Jaunes», c’est parce qu’il n’est pas né sur Twitter mais sur Facebook, un réseau sur lequel les journalistes sont moins actifs.
Quand vous vous lancez sur Twitter, vous dites : « Je pense qu’on peut, par la seule discussion, convaincre une personne qu’elle se trompe. » Pourquoi cette idée est-elle devenue, comme vous l’écrivez, « stupide » ?
Parce que je l’ai fait des milliers de fois et que je me suis bien rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Convaincre quelqu’un en 140 signes, c’est sans espoir. Twitter, c’est le média de l’indignation et de la colère.
Des personnalités ont récemment fait le choix de quitter le réseau…
Twitter a conscience de la violence qui s’exprime sur ce réseau. Mais elle est consubstantielle à la culture de Twitter. Avoir une parole modérée est de plus en plus difficile. Pour autant, abandonner Twitter n’est pas forcément la solution, c’est aussi à nous, journalistes qui l’utilisons, d’adopter une pratique plus apaisée. Bref, de se méfier de l’attrait pour le « buzz ».