20 Minutes (Nantes)

Kevin Rolland revient sur son miraculeux retour au sommet

Half-pipe Avant les Mondiaux à Aspen, Kevin Rolland raconte comment il s’est reconstrui­t, deux ans après avoir frôlé la mort

- A Lyon, Jérémy Laugier

« Il ne faudra pas que je traîne à Aspen [Etats-Unis]. J’étais dans les vapes pour la naissance de mon premier enfant, alors j’aimerais quand même bien être là pour le deuxième.» A défaut de compétitio­n de ski freestyle, Kevin Rolland n’a pas lâché son sens de l’humour durant sa longue « reconstruc­tion » de deux ans. Car, après avoir obtenu la médaille d’argent lors des Championna­ts du monde de half-pipe de février 2019 dans l’Utah (Etats-Unis), il va seulement signer son retour dans le circuit le 10 (qualificat­ions) et le 12 mars (finale) à Aspen.

« C’est sûr qu’on peut raconter une belle histoire », sourit l’athlète de 31 ans, qui sortira cet automne un documentai­re retraçant l’incroyable virage d’une carrière déjà riche en émotions. Champion du monde de half-pipe en 2009 et médaillé de bronze aux JO de Sotchi 2014, mais aussi victime de deux ruptures des ligaments croisés du genou en 2008 et 2012, et d’une lourde chute aux JO de Pyeongchan­g en 2018, Kevin Rolland a vu sa vie basculer le 30 avril 2019. Dans sa station de La Plagne (Savoie), il vise ce jour-là sur un quarter-pipe un saut de 11 m pour obtenir un record du monde. Il est conscient d’avoir « frôlé la mort », avec trois jours de coma et de multiples blessures graves, dont une fracture du bassin. « Je n’ai pas eu le moindre souvenir pendant trois semaines », glisset-il. Pas même après l’arrivée de Rio, le 9 mai 2019. « Cet accident a quand même changé ma vie et celle de nombreuses personnes de ma famille, confie Kevin Rolland. La naissance de mon fils au même moment a rendu cela encore plus “dramatique’’. Mais, d’un autre côté, elle m’a énormément aidé pour mon rétablisse­ment. » Perdu pour le sport de haut niveau, le champion de half-pipe déjoue en effet peu à peu tous les pronostics médicaux, ce qui ne surprend pas ses proches. « Dès que j’ai su qu’il respirait encore, j’étais certain qu’il ferait tout son possible pour redevenir le meilleur half-pipeur du monde », résume son ami Antoine Adelisse, également membre de l’équipe de France de ski freestyle.

Kevin Rolland se remet sur pied, jusqu’à s’offrir une semaine pour skier tout seul en Autriche, moins de sept mois après son terrible accident. Pour la première fois de sa carrière de « casse-cou », Kevin Rolland doit apprendre à gérer ses doutes. «Ça m’a pris du temps de me reconstrui­re physiqueme­nt, mais ça a été nettement plus compliqué de dompter l’aspect mental, explique-t-il. Six mois plus tôt, un saut périlleux dans le half-pipe était pour moi autant une formalité que de me balader dans la rue. Là, je me suis retrouvé à faire cette figure avec de l’appréhensi­on.» Entraîneur de l’équipe de France de ski freestyle et proche de Kevin Rolland depuis ses débuts, Greg Guenet l’a pour la première fois rejoint en avril 2020 à Crans-Montana (Suisse). Et le trouve immédiatem­ent « changé » : « C’est horrible de dire ça, mais sa blessure lui a fait du bien, dans le sens où il est plus réfléchi, moins barjot qu’avant. Ça en fait un athlète mûr. » Un avis validé par l’intéressé : « Cette chute a changé ma manière de skier et d’aborder les choses. Je calcule un peu plus les risques pris.» D’ailleurs, plus question pour lui d’envisager une nouvelle tentative de record de hauteur en quarter-pipe. Son esprit est sans surprise tourné vers les JO de Pékin, en 2022. « Si j’ai repris le ski, c’est aussi parce que je ne voulais pas arrêter sur une chute, indique Kevin Rolland. J’aime être maître de mon destin et j’aimerais finir de la meilleure des manières à Pékin, en devenant champion olympique.»

Un objectif XXL qui prend davantage forme au vu de ses sessions cet hiver, avec un moment fort en symbolique, il y a un mois. «Kevin s’est mis une bonne grosse boîte [chute] à l’entraîneme­nt, raconte Greg Guenet. Il était hyper heureux de voir que son bassin, avec toutes les vis qu’il y a dedans, tenait le coup.» «Je n’ai pas peur physiqueme­nt aujourd’hui », complète Kevin Rolland, au moment de rejoindre Aspen avec sa cousine Tess Ledeux et son ami Antoine Adelisse, qui participer­ont aussi aux Mondiaux. Tous ont assisté à un ultime déclic pour Kevin Rolland, la semaine passée. « Non seulement il a refait toutes les figures de son top niveau, mais il a encore franchi un cap en en réussissan­t même des nouvelles, indique Greg Guenet. Il est désormais capable de faire ce qu’il se fait de mieux sur le circuit. » « C’était magique de le voir se transcende­r ainsi, poursuit Antoine Adelisse. Son histoire est tellement dingue qu’il nous inspire beaucoup. » C’est un Kevin Rolland « plus patient » qui s’apprête à lancer son premier run complet depuis 2019 : « C’est une deuxième vie pour moi, mais j’ai pu retrouver mon niveau d’avant.» Après avoir récemment «un peu fait le con» dans une vidéo à La Plagne, en enchaînant les acrobaties au milieu des voitures et des pelleteuse­s, Kevin Rolland est bel et bien de retour, contre toute attente. «Quand on se rappelle où il en était en mai 2019, c’est inimaginab­le de le retrouver là, savoure Greg Guenet. C’est vraiment un mec à part. »

« C’est horrible de dire ça, mais sa blessure lui a quand même fait du bien; il est moins barjot qu’avant. »

Greg Guenet, entraîneur de l’équipe de France de free-style

« C’est une deuxième vie, mais j’ai retrouvé mon niveau d’avant. »

Kevin Rolland

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