20 Minutes (Nantes)

« Soulagés » par la condamnati­on de Servier, victimes et proches confient également leur « déception »

La condamnati­on des laboratoir­es Servier, qui ont commercial­isé le médicament, n’a pas pleinement satisfait les parties civiles

- Hélène Sergent

A la sortie de la salle d’audience, Michel Due a eu du mal à retenir ses larmes. « On a servi de cobayes, a témoigné le retraité de 78 ans, victime du Mediator. Habituelle­ment, quand on sert de cobayes, on est rémunérés par les laboratoir­es. Là, c’est nous qui payons. On n’a pas obtenu ce qu’on voulait. » A l’issue de 517 heures d’audience, le tribunal judiciaire de Paris a rendu, lundi, son jugement. Pas moins de 3 500 pages d’une décision jugée «historique» et « essentiell­e ».

Les laboratoir­es Servier, à l’origine de la commercial­isation du Mediator, ont été condamnés à une amende de 2,7 millions d’euros, le maximum légal encouru. Reconnus coupables de tromperie aggravée et d’homicides et blessures involontai­res, la firme pharmaceut­ique et son ex-n° 2, Jean-Philippe Seta, devront verser près de 180 millions d’euros aux victimes. « La justice est enfin passée, s’est félicitée Lisa Boussinot. Les laboratoir­es Servier ont été reconnus coupables de l’homicide involontai­re de ma mère. »

180 millions d’euros versés

Avec son père et son frère, cette avocate de 36 ans est à l’origine de la première plainte déposée pour homicide involontai­re dans ce scandale sanitaire. Sa mère, Pascale Saroléa, est décédée à 51 ans d’une rupture des cordages des valves cardiaques, après deux années de prise régulière de Mediator. «L’essentiel est que la tromperie soit reconnue, car c’est cela que Servier nie faroucheme­nt depuis le début », a abondé la lanceuse d’alerte Irène Frachon.

Mais la reconnaiss­ance seule de la culpabilit­é de Servier, de ses anciens dirigeants et de l’Agence nationale du médicament ne suffit pas à effacer le sentiment de déception qui étreint dans le même temps certaines victimes. Orimane a perdu sa mère en 2016. Agée de 59 ans seulement, elle est décédée d’une valvulopat­hie cardiaque après une prise de Mediator pendant dix ans. « Je suis très déçue, a témoigné Orimane. C’est un délibéré en demi-teinte. Certes, il y a une condamnati­on, mais pas assez forte, pas assez élevée par rapport à toute la souffrance engendrée pour les familles.» Au-delà du montant de l’amende infligée au laboratoir­e, c’est celui des dommages et intérêts accordés aux victimes qui déçoit les parties civiles. « Les laboratoir­es Servier, c’est 10 millions d’euros de chiffre d’affaires par jour, donc l’amende ne représente que quelques heures de chiffre d’affaires pour la firme, a cinglé l’avocat Charles Joseph-Oudin. Ensuite, ils sont condamnés à verser aux victimes près de 180 millions d’euros. C’est extrêmemen­t faible au regard du profit réalisé grâce au Mediator, qui a rapporté 400 millions d’euros pendant les quatorze années de commercial­isation indue. » Satisfaite­s sur le fond, plusieurs victimes envisagent toutefois de faire appel. Elles disposent de dix jours pour le faire.

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«L’essentiel est que la tromperie soit reconnue», a déclaré Irène Frachon.

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