20 Minutes (Nantes)

La condition féminine frappe à la porte de «Madame Claude»

Sylvie Verheyde et Karole Rocher balaient le mythe glamour d’une reine de la prostituti­on et livrent une réflexion sur la condition féminine

- Caroline Vié

Fernande Grudet, vous connaissez ? Peut-être pas sous ce nom, mais son pseudonyme de Madame Claude vous est sans doute plus familier. C’est lui qui donne son titre au film de Sylvie Verheyde, disponible sur Netflix depuis vendredi. Cette proxénète star et son réseau de prostituée­s de luxe triées sur le volet évoluaient dans le Paris des années 1960-1970.

Elle a été incarnée par Françoise Fabian, sous la direction de Just Jaeckin, en 1976, puis par Alexandra Stewart, sous celle de François Mimet, en 1981. Ces versions plutôt sexy de sa biographie ne pouvaient plus passer au XXIe siècle. La réalisatri­ce de Sex Doll et Confession­s d’un enfant du siècle balaie le mythe glamour pour confier à Karole Rocher, bouleversa­nte, le soin de se rapprocher de la réalité. «Aujourd’hui encore, Madame Claude reste une figure d’émancipati­on sociale et féministe. Mais elle n’en demeure pas moins un monstre», déclare la réalisatri­ce dans le dossier de presse.

Le pouvoir sur les hommes

Le mythe a la vie dure. « Pour ma mère, Madame Claude représenta­it un exemple féminin de réussite sociale, qui avait trouvé le moyen de prendre le pouvoir sur les hommes», insiste la cinéaste. Sylvie Verheyde s’est livrée à de copieuses recherches sur la proxénète, qui aimait prendre des libertés avec la réalité pour se créer une vie d’aventurièr­e.

La réalisatri­ce a revu la légende à son tour. Avec, notamment, l’intrusion d’une jeune femme émancipée (superbe Garance Marillier) qui bouleverse la vie de cette « patronne » caparaçonn­ée dans sa solitude. Et elle n’angélise pas son sujet. Madame Claude considérai­t ses « filles » comme des propriétés de rapport pouvant être tabassées par des «amis», car le mot «client» était interdit. « Comme tous les antihéros des films noirs, elle dit quelque chose de la société, estime la cinéaste, et, dans le même temps, on ne peut pas valider ce qu’elle fait.» Loin de glorifier la prostituti­on, le film montre la lutte pour la survie d’une femme contrainte à la dureté par sa condition. Le sexe est la seule arme dont elle dispose pour s’imposer dans une société patriarcal­e. Mais il n’est jamais montré de façon érotique. «Elles ne font pas l’amour, elles bossent», martèle Sylvie Verheyde.

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Karole Rocher dans «Madame Claude», à voir depuis vendredi sur Netflix.

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