Un kimono pour deux
Marie-Eve Gahié et Margaux Pinot, judokas françaises émérites, se disputent une place pour aller à Tokyo
Larbi Benboudaoud
Six visages et une silhouette grisée. Dans un tweet du 6 avril, la Fédération française de judo présentait la future délégation féminine aux Jeux olympiques de Tokyo. Au côté des taulières Agbegnenou, Buchard ou Malonga, un seul poste reste à pourvoir, chez les -70 kg. Le choix cornélien entre les deux vedettes planétaires de la catégorie – Marie-Eve Gahié (24 ans), championne du monde, et Margaux Pinot (27 ans), double championne d’Europe – doit être entériné à l’issue de l’Euro à Lisbonne, qui se tient de ce vendredi à dimanche.
Et c’est Larbi Benboudaoud qui va devoir se coltiner cette mission impossible, après les combats de la catégorie programmés samedi. Comme si Pochettino devait absolument trancher entre Neymar et Mbappé. Sans pouvoir remplacer l’un par l’autre en cours de partie. « On ne s’arrêtera pas à un seul tournoi, prévient le directeur de la haute performance du judo français. On va analyser l’ensemble des saisons et des compétitions, voir qui elles ont affronté, etc. »
Le dilemme entre Gahié et Pinot renvoie un autre ancien champion français, Benjamin Darbelet, dix-sept ans en arrière, et à un duel en haute altitude chez les -66 kg...contre Larbi Benboudaoud. « La concurrence fait avancer, rappelle Darbelet, aujourd’hui reconverti dans le coaching personnel à la tête du Studio Alexis Vastine à Saint-Raphaël, dans le Var. Mes concurrents, ce sont encore mes amis aujourd’hui. Oui, c’est compliqué : c’est un sport individuel, tu veux ta place. Je donnais tout ce que je pouvais en compétition, mais je faisais abstraction du reste. » Il n’empêche que ce genre de bataille est terrible, comme l’a prouvé le duel épique remporté en décembre par Hifumi Abe face à Joshiro Maruyama pour représenter le Japon à domicile cet été, en -66 kg. « Pour la dernière sélection, ils ont fait un combat qui s’est joué après vingt minutes de golden score, raconte Darbelet. A la fin, le sélectionneur, Kosei Inoue, une légende du judo, était en larmes ! » En résumé, on n’aimerait pas s’appeler Larbi Benboudaoud dans quelques jours. Même si, après tout, la « perdante » pourrait se consoler en pensant aux Jeux de Paris, qui auront lieu dans à peine trois ans. Benboudaoud met un ippon à cette thèse : « L’horizon 2024, ça vaut pour les petites jeunes. Mais quand tu es au top et que l’objectif est à portée de main, l’instant T prévaut. » Et l’instant T, c’est maintenant.
« On va analyser l’ensemble des saisons et des compétitions. »