La France à la sauce américaine ?
Meetings, storytelling, trash-talking... et si les ingrédients, qui ont pimenté la campagne aux Etats-Unis, étaient resservis en France.
Le spectacle est toujours meilleur lorsqu’il se joue à l’extérieur. Mais si la campagne présidentielle américaine 2016 était un miroir, renverrait-elle un reflet déformant ou ressemblant de notre propre campagne présidentielle ? 20 Minutes a joué au jeu des cinq différences.
Les primaires. Elles sont apparues en France avant l’élection présidentielle de 2012. « Ici, ce sont les partis qui contrôlent les règles des primaires, avec le système des parrainages notamment, et nous n’avons pas de caucus », insiste Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas. Autre différence : « En France, il faut payer pour voter aux primaires, pas aux Etats-Unis. » Si les primaires françaises ont peu de chances de ressembler à leurs cousines américaines, c’est aussi grâce à deux garde-fous. « Aux Etats-Unis, les campagnes peuvent être financées par des particuliers, des entreprises et les Super PAC. Depuis 1983, il n’y a plus de régulation du temps de parole », souligne Romain Huret, directeur d’études à l’EHESS. « La force des primaires américaines, c’est de faire émerger des candidats. En France, il s’agit plutôt de primaires de validation ».
Un candidat issu de la téléréalité . En 1981, l’ex-acteur Ronald Reagan a fait entrer Hollywood à la MaisonBlanche. En 2016, Donald Trump a fait entrer la téléréalité dans la campagne présidentielle. Selon Romain Huret, une telle candidature ne serait pas possible en France, où, entre autres, « les hommes d’affaires n’ont pas forcément envie de faire de la politique ».
La « peopolisation » de la classe politique ? L’arrivée sur nos écrans de l’émission « Une Ambition intime » où les candidats ne parlent presque jamais de sujets politiques, a relancé le débat sur leur « peopolisation ». « Aux Etats-Unis, ils vont beaucoup plus loin dans l’infotainment, confirme Jean-Eric Branaa. Si un politique ne tombait pas dans le grotesque ou l’autodérision, il passerait pour arrogant ou hautain. »
La « trumpisation » des débats politiques. La « trumpisation » est déjà devenue une insulte en vogue dans la classe politique. « Le trumpisme surfe sur un rejet des élites médiatiques et politiques. La trumpisation joue sur cette défiance, elle est alimentée par la crise démocratique qui touche les EtatsUnis… et la France », analyse Romain Huret. Pas impossible que la « trumpisation » ait déjà débarqué dans l’Hexagone. « Nicolas Sarkozy a repris ce flambeau de la défiance envers les corps intermédiaires », estime-t-il.
Une femme présidente ? Il semble peu probable qu’une femme emporte l’une des primaires (c’est déjà raté du côté des écologistes) et par conséquent l’élection d’avril, alors qu’aux EtatsUnis, Hillary Clinton a été la première femme investie par le parti démocrate. « Les primaires sont très masculines en France. Le débat sur le harcèlement a fait pschitt, alors qu’aux Etats-Unis, cela peut faire basculer une élection », compare Romain Huret.