Le voile se lève sur l’islamophobie
L’agression d’une jeune fille portant un foulard suscite l’inquiétude des musulmans
Yasmin Seweid a 18 ans, elle écoute Bruno Mars, est fan de mode et étudie le business dans la très sérieuse université Baruch, à Manhattan. Musulmane de confession, elle porte aussi un foulard. Foulard que trois hommes lui ont arraché, jeudi soir dans le métro new-yorkais, après l’avoir insultée aux cris de « Donald Trump, Donald Trump!» Avant de l’avoir menacée : « Tu n’as rien à faire dans ce pays. Va-t’en, sale terroriste et enlève ce p… de foulard! » Après d’interminables minutes, Yasmin est parvenue à s’extirper de la rame, toujours sous un tombereau d’injures, et a fini par s’en remettre aux secours.
« Nous sommes horrifiés »
« Cela m’a brisé le coeur et traumatisée de voir que pas un des nombreux passagers présents n’est intervenu, a-t-elle écrit, très choquée, sur Facebook. Tous me regardaient me faire agresser sans bouger. Je me sentais démunie et sans défense. L’Amérique de Trump existe. J’en ai directement fait les frais hier soir. » A l’annonce de la nouvelle, des habitants de Jackson Heights, dans le Queens, l’un des quartiers arabes de New York, sont descendus dans la rue, vendredi soir, pour dénoncer un climat « libre de haine ». « Nous sommes horrifiés par ce qui vient de se passer, a déclaré la représentante du conseil musulman de New York, Afaf Nasher. On voit apparaître des croix gammées et nous en sommes la cible. » Sur Steinway Street, toujours dans le Queens, la peur, au-delà l’inquiétude, est plus que palpable. « Nous avons toujours vécu librement et dans la paix jusqu’à maintenant, s’indigne Noëlle, jeune maman d’origine marocaine. L’élection de Donald Trump est en train d’apporter la haine et la division entre les communautés de ce pays. » En ce frisquet samedi après-midi, les hommes sont au café, les femmes font les courses tandis que les portes de la mosquée s’ouvrent discrètement aux pratiquants inquiets. « On ne se sent pas en sécurité », rapporte Amid, presque menaçant à l’idée d’apparaître en photo. Et pour cause. L’organisation américaine des droits civils musulmans note une augmentation de 67 % d’actes islamophobes en 2015. « Plus de cent actes anti-musulmans ont été recensés à travers le pays sur les 1 000 incidents relevés à l’encontre de minorités », rapporte Afaf Nasher, au nom du Southern Poverty Law Center, reconnu pour ses études sur les mouvements d’extrême droite. Face à de tels chiffres, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a récemment créé une unité de police dédiée aux délits et crimes racistes. Donald Trump, dans son discours à Cincinatti dans l’Ohio, vendredi soir, a fermement condamné les actes relevant de l’extrémisme et de la bigoterie, appelant le pays à s’unir. Mais n’est-ce pas trop tard ? Contactée samedi, Yasmin, encore bouleversée, déclarait cependant aller mieux. « Je me remets peu à peu grâce au soutien de tous. »