Des médecins jurent à la vie à la mort
Une ONG franco-syrienne forme les personnels soignants syriens à la médecine de guerre
Comment se soigner à Alep, ville ravagée où les personnels soignants ont fui pour sauver leur vie et où ceux qui sont restés n’étaient pas formés aux blessures de guerre? Une partie de la réponse est apportée par l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), une ONG qui a mis en place, entre autres, des programmes de formation médicale sur le sol syrien.
Blessures spécifiques
Les Drs Raphaël Pitti et Ziad Alissa, respectivement chargé de formation et président de l’UOSSM France, se sont rendus à cet effet à de nombreuses reprises sur place. « La guerre en Syrie est une guerre urbaine. Ce n’est pas la confrontation d’une armée contre une autre, avec un personnel militaire formé à ces blessures spécifiques, indique Raphaël Pitti. Les blessés se retrouvent dans des hôpitaux civils, avec des personnels qui doivent faire face à des pathologies propres à la guerre (…), confrontés à un afflux incessant de victimes, avec des moyens dégradés et peu de médicaments. » La formation des secouristes est, quant à elle, essentielle. « 50 % des victimes meurent sur le terrain dans la première heure, donc, si la personne qui est à côté ne fait pas le bon geste, le blessé meurt, parce qu’il faut intervenir dans les cinq à dix minutes », a rappelé le Dr Pitti à l’occasion de la conférence What’s up doc’ for Syria?, organisée par l’UOSSM cette semaine à Paris. Dans les zones non contrôlées par le régime, s’occuper de sa santé est chaque jour plus compliqué. « Il n’y a plus assez de médicaments et de personnels soignants dans les hôpitaux, les patients se retrouvent à faire le tri dans leur ordonnance, faute de pouvoir tout payer », explique le Dr Ziad Alissa. Làbas, les maladies chroniques peuvent être mortelles. « L’un de mes cousins est mort parce qu’il n’avait pas accès à son traitement contre l’hypertension, déplore le médecin. Des patients sous dialyse ne font qu’une séance par semaine au lieu de trois, c’est terrible. » L’état d’épuisement des personnels soignants est lui aussi critique. « Ils sont à bout de force, ils travaillent jour et nuit, tout en craignant pour leur vie, témoigne le Dr Alissa, président de la branche française de l’UOSSM. Ils sont depuis le début pris pour cible parce qu’ils sont les témoins de la première heure des atrocités commises par le régime. » Pour son collègue, « Alep est morte aujourd’hui, mais il n’y a pas qu’elle. Le droit humanitaire international est mort à Alep, l’ONU est morte à Alep, l’Europe est morte à Alep, martèle le Dr Raphaël Pitti. J’espère que l’histoire se souviendra que les héros de ce drame syrien ont été les personnels de santé. »