Naissance d’une insurrection
Le rappeur Abd al Malik double l’acteur principal de « The Birth of a Nation »
Abd al Malik ne fait pas que doubler Nate Parker, acteur et réalisateur de The Birth of a Nation, en français. Il est le porteparole de ce film puissant récompensé à Sundance sur Nat Turner (18001831), un esclave qui organisa une insurrection contre ses bourreaux, trente ans avant la guerre de Sécession. Son titre détourne celui du film raciste de D. W. Griffith (1915). « J’en avais entendu parler dans des chansons américaines, explique le rappeur français à 20 Minutes. Son histoire m’a bouleversé, car j’en ignorais les détails. » Turner a été un prédicateur au service des Blancs avant de fomenter une révolte écrasée dans le sang. « Pour moi, c’est un grand film, insiste Abd al Malik, parce qu’il n’est pas manichéen. Il n’y avait pas réellement de gentils à l’époque de l’esclavage et c’est ce que montre The Birth of a Nation, qui se révèle plus nuancé que Twelve Years a Slave (Steve McQueen, 2014) dans la façon dont les personnages sont dépeints. » On partage la colère de Turner, ce qui n’empêche pas de frissonner devant les déferlements de violence dont il se rend responsable. « Les Noirs ont besoin de héros, mais Nat Turner est avant tout un être humain », insiste le rappeur. Aux EtatsUnis, les hauts faits de Nat Turner ne sont pas enseignés dans les écoles ce qui a poussé le réalisateur Nate Parker, qui l’incarne à l’écran, à le faire connaître. « C’est un film qui donne à réfléchir, non en termes de victimisation, mais en termes d’humanité, martèle Abd al Malik. C’est capital à une époque où seul le commerce semble être un vecteur entre les hommes. »
Réunir plutôt que diviser
Si cette fresque pourra sembler un brin démonstrative au public français, elle se révèle profondément ancrée dans la culture afro-américaine, notamment dans sa représentation de la religion. « Il faut accepter son côté flamboyant qui fait partie intégrante de l’identité et des origines de son auteur », analyse Abd al Malik. La sincérité du projet ne fait pas de doute quand on sait que Nate Parker a financé une partie du film sur ses propres deniers. « Ce film est emblématique de la période de transition entre l’ère Obama et maintenant, professe le rappeur. Je suis convaincu que des oeuvres de cette qualité aident à réfléchir et donc à réunir plutôt qu’à diviser », dit-il. Il semble, en tout cas, impossible de rester insensible devant ce portrait d’un homme qui se sacrifia pour la liberté.