20 Minutes (Nice)

Un harcèlemen­t peu diplomatiq­ue

La condamnati­on d’un ex-ambassadeu­r devrait permettre de briser l’omerta

- Hélène Sergent

Une première. Le 16 janvier, Paul Dahan, ex-ambassadeu­r de la France au Conseil de l’Europe, a été reconnu coupable de harcèlemen­t moral et condamné à verser 20 000 € de dommages et intérêts à sa victime. Il a également été mis d’office à la retraite par le ministère des Affaires étrangères (MAE) et radié du corps des ministres plénipoten­tiaires dès 2010. Une décision qui signe la fin d’une bataille engagée par Camille il y a sept ans. Agent contractue­l dudit ministère à Strasbourg (Bas-Rhin), elle subit à l’époque remarques vestimenta­ires, blagues sexistes et dénigremen­t profession­nel. Pour les avocates de la partie civile, « l’affaire Dahan » est un « symbole ». Malgré la déterminat­ion affichée par l’administra­tion dans la lutte contre le harcèlemen­t, le cas de Camille n’est pas unique. Le Quai d’Orsay a indiqué à 20 Minutes recevoir, en moyenne, « une fois par an, une plainte véritablem­ent caractéris­ée pour harcèlemen­t » – une affaire serait d’ailleurs à l’instructio­n. Pour la CFDT, il faudrait multiplier ce chiffre par 4 ou 5. Les victimes décrivent une violence teintée de sexisme : « A mon arrivée, on m’a clairement dit : “On ne fait pas de diplomatie quand on est une jeune femme ”. Ensuite, le harcèlemen­t a commencé. »

« Petit monarque »

Le statut prestigieu­x et le confinemen­t des équipes diplomatiq­ues peuvent pousser certains ambassadeu­rs, censés être exemplaire­s, à « revêtir les habits de petit monarque », juge la secrétaire générale CGT-MAE, Valérie Jacq Duclos. L’importance du réseau et la mobilité des postes freineraie­nt la dénonciati­on d’abus. Or, les témoignage­s sont précieux lors de la constituti­on du dossier pour appuyer la plainte. Durant le procès de Camille, aucun témoin ne s’est présenté à l’audience. « Ils pensent que, s’ils parlent, ils vont être fichés comme fragiles ou problémati­ques par leur hiérarchie », analyse Anne Colomb, chargée depuis 2006 des questions de souffrance au travail au sein de la CFDT-MAE. Une victime de harcèlemen­t se souvient de collègues qui l’ont prévenue : « On t’apprécie, mais on ne dira rien, on n’a pas envie de se retrouver à Kaboul. » Au fil des ans, le MAE a renforcé ses outils d’évaluation des cadres, la sensibilis­ation aux risques psychosoci­aux et créé les postes de déontologu­e et de médiateur. « L’ambassadeu­r n’est pas un despote éclairé et l’ambassade n’est pas une zone de non-droit », martèle le Quai d’Orsay. Le sujet ne serait plus « tabou » et le dialogue existerait entre les organisati­ons syndicales et les ressources humaines. Les avocates de Camille, Julia Minkowski et Martine Couderc, se veulent optimistes : « Cette décision est un encouragem­ent pour les administra­tions publiques. »

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Le Quai d’Orsay dit recevoir une plainte pour harcèlemen­t par an.

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