La politique bottée en touche
Les footballeurs ont parfois une conscience politique, mais ils l’affichent très rarement
«Oh, vous savez, c’est un type génial. » Quand on évoque devant lui le nom de Yohan Cabaye, les yeux d’Emmanuel Macron s’illuminent. Le candidat d’En Marche ! a bien compris que ce soutien était exceptionnel. A son grand meeting de Londres, en février, journalistes et sympathisants scrutaient la loge VIP pour y observer le dépucelage politique du footballeur. Il faut dire que c’est assez rare, un footballeur qui affiche ses tendances. Disons-le tout net : la politique, le vote, les présidentielles et toutes ces conneries, c’est tabou dans le monde du foot. Impression confirmée après l’envoi d’une bonne dizaine de SMS à des joueurs en activité ou tout juste retraités, des questions posées en interview ou en conférence de presse. Le sujet dérange. « On n’en parle pas trop entre nous les joueurs, mais ça nous arrive d’évoquer le sujet », nous a expliqué le milieu nantais Valentin Rongier. « Bien sûr qu’ils ont une conscience politique, insiste pourtant l’agent de joueurs Frédéric Guerra. La rumeur dit que ce sont des nantis loin ou hors du système, ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas une personnalité et une pensée, je leur demande juste de ne pas la rendre publique. »
Ne pas faire de remous
Pourquoi ? Parce que c’est « risqué », selon Sylvain Kastendeuch, coprésident de l’UNFP, le syndicat – apolitique – des joueurs professionnels. Il développe : « On ne leur donne pas de consigne ferme et définitive, car on n’a pas envie de les empêcher de prendre part à la vie publique alors qu’on leur reproche leur individualisme. Mais on les alerte d’une manière très générale sur le fait que ce n’est pas neutre, que ça peut avoir des conséquences. » Dans leur club, où l’engagement doit d’abord être sportif et où la dispersion est interdite. Dans le vestiaire, où il n’est pas question de faire des vagues en affichant ses choix. Et puis auprès de l’opinion publique, qui peut s’agacer de ces prises de position jugées intempestives. Bon, mais même s’ils n’en parlent pas, alors, ils votent quoi les footballeurs ? « Penser qu’ils votent tous à droite pour protéger leur pognon, c’est complètement faux, assure Frédéric Guerra. Un vestiaire est un très bon échantillon de la société, il y a vraiment de tout. » Lundi matin, lors des séances d’entraînement, le debrief de la soirée électorale ne devrait cependant pas être trop houleux.