20 Minutes (Nice)

«A chaque révolution féministe, on crie “danger”»

La philosophe réagit après la tribune anti-#MeToo

- Propos recueillis par Hélène Sergent

Dans une tribune dans Le Monde, mardi, une centaine de personnali­tés féminines ont défendu, en réaction à la campagne #MeToo, la « liberté d’importuner ». Un plaidoyer qui relève d’une « vieille ritournell­e philosophi­que », estime Geneviève Fraisse, philosophe et historienn­e de la pensée féministe.

Cette tribune s’inscrit-elle dans un courant féministe ou relève-t-elle d’une idéologie de classe ?

La position des signataire­s est de ne pas être féministes. Elles en ont le droit, il faut qu’il y ait du désaccord entre les femmes. Mais cette tribune livre une position partielle de la société : le viol comme fait divers d’un côté et la séduction de l’autre. Elles se refusent à voir que, ce qui est en cause depuis trois mois, est un système qui consiste à dire que le corps des femmes est à la dispositio­n des hommes. Elles ne s’interrogen­t que sur les conséquenc­es de la prise de parole qui vont, selon elles, tuer l’amour, le désir et, ce qu’elles mettent au centre, c’est une position de critique morale. Or, ce sont elles qui font de la morale. Elles disent qu’elles vont être censurées, mais elles considèren­t que la parole dite « libérée » va trop loin.

Pourquoi, selon vous, ce texte déclenche-t-il de si vives réactions ?

C’est un texte minoritair­e (…) et dont le propos paraît dépassé.

L’émancipati­on de la parole et les dénonciati­ons d’abus relèvent-elles, comme le dit la tribune, d’une forme de puritanism­e ?

C’est une ritournell­e philosophi­que. Déjà, au lendemain de la Révolution française s’est posée la question de la perte de la séduction avec l’idée que l’égalité supprimera­it l’amour et le sexe. A chaque fois qu’il y a une révolution féministe, on crie « danger ». En réalité, ce texte cache un problème fondamenta­l : comment fait-on pour instaurer une symétrie entre les sexes ? Avant de se ruer vers les conséquenc­es de cette révolte qui interdirai­ent que l’on se touche, regardons ce qui est en train d’être dit : il s’agit de politique.

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Geneviève Fraisse.

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