Impossible d’y échapper
Invisibles à l’oeil nu et méconnues, les particules ultrafines sont très nocives pour la santé. Le radiologue Thomas Bourdrel a notamment observé une hausse de certains cancers liés à cette pollution.
La décision prise la semaine passée par la justice allemande d’ouvrir la voie à l’interdiction de circulation en ville des vieux moteurs diesel, a ravi Karima Delli. « C’est une bonne nouvelle pour notre santé », a tweeté la députée européenne EELV, qui, depuis 2015, milite pour la prise en compte des risques que font encourir leurs émanations. « Le “diesel propre” n’existe pas ! Même si on a essayé de nous faire croire qu’il était “l’ami du climat”, car il émettrait moins de CO … », insiste-t-elle. Un avis partagé 2 par Thomas Bourdrel, radiologue et fondateur du collectif Strasbourg respire, dont le but est d’appeler les pouvoirs publics à agir contre la pollution atmosphérique.
Plus petites, mal mesurées
Dans un article à paraître en mars dans la revue Réalités cardiologiques, le médecin établit que les nanoparticules (ou particules ultrafines), principalement émises par le trafic routier et les moteurs diesel (mais aussi par l’industrie, le chauffage au bois, ou encore les feux de forêt), sont non seulement les plus nocives pour la santé, mais sont aussi largement sous-estimées dans les mesures actuelles de la qualité de l’air. En cause, selon lui, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les métaux lourds présents à la surface des nanoparticules. Semi-volatiles, ces HAP peuvent vite passer de l’état gazeux à l’état particulaire, notamment par temps froid. « Quand les gens prennent la voiture et que leurs moteurs n’ont pas le temps de chauffer, c’est là que les émissions sont les plus grandes. » Or, à l’état particulaire, ces HAP entrent facilement dans le corps et réussissent à passer dans le sang pour atteindre les organes. Au fil des ans, Bruno Bourdrel a constaté dans son service une augmentation des infarctus et AVC, ainsi que des atteintes du foie, du cerveau, des poumons, de la vessie, ou sur le développement des foetus.
Les directives européennes n’ont pas totalement oublié les HAP de la liste des polluants à surveiller. Dans certaines régions de France (lire ci-dessous), un cancérigène, le benzo[a]pyrène, est utilisé comme un traceur. Mais seulement via les plus grosses particules, les PM10. Sauf que le benzo[a]pyrène, lui, est surtout présent à la surface des nanoparticules. D’où sa sous-estimation présumée dans les relevés de concentration dans l’air. « Les nanoparticules ont une masse négligeable, donc les mesures en masse ne sont pas représentatives, explique Thomas Bourdrel. Il faudrait les dénombrer pour connaître précisément cette pollution. »
Karima Delli rappelle qu’aucune norme européenne n’existe jusqu’à présent pour la concentration des nanoparticules dans l’air ambiant. Pour le radiologue, il y a urgence : selon lui, les conséquences sanitaires de cette pollution ultrafine « pourraient être pires que celles de l’amiante ». ■