« C’est une escroquerie »
Le sociologue a enquêté sur la vidéosurveillance
Son constat est sévère. Dans le livre Vous êtes filmés ! (Ed. Armand Colin), le sociologue niçois Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS sur les questions de sécurité, dresse un portrait peu flatteur de la vidéosurveillance. Après des mois d’enquête dans plusieurs villes, dont Marseille, il pointe le « bluff » de ces dispositifs.
Vous dénoncez d’abord la « com » qui est faite depuis les attentats...
Oui, les politiques expliquent que la vidéosurveillance permet de se protéger contre le terrorisme. Mais, c’est une escroquerie intellectuelle. On retrouve les images une fois que les gens sont morts. Et, pire, leur usage a l’effet inverse. Les vidéos sont utilisées dans la propagande des terroristes.
Selon la mairie de Nice, la vidéosurveillance permettrait 500 à 600 interpellations par an. N’est-ce pas un gage de son efficacité ?
On peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut. Il y a des exemples d’arrestations rendues possibles par les caméras et les collectivités communiquent beaucoup sur ça. Mais dans les faits, la proportion des images utiles aux enquêtes ne se situe qu’entre 1% et 3%.
Qu’en est-il de l’effet « dissuasif » ?
A partir du moment où la plupart des communes sont équipées, on rentre dans la banalité. Et surtout, ces installations ne font que déplacer la délinquance. Si un maire fait équiper un parvis de gare parce qu’il s’y déroule beaucoup de vols par exemple, il va aussi augmenter les patrouilles et les chiffres vont lui donner raison. Mais la délinquance va repartir à la hausse dans d’autres quartiers. C’est le phénomène que j’ai pu observer à plusieurs reprises dans mon enquête. Il faudrait vidéosurveiller chaque parcelle. Et financièrement, ce n’est pas possible.
Justement, vous soulevez aussi la question du coût des équipements...
Ce sont des dizaines de milliers d’euros pour un village et ça peut se compter en millions dans une grande ville. Il y a le prix des caméras, mais surtout celui du réseau. Et puis aussi les frais de fonctionnement. A Nice, 125 fonctionnaires travaillent dans le centre [de supervision urbain]. Il faut les rémunérer. C’est d’ailleurs pour ça que la vidéoverbalisation se développe aussi. Et des gens derrière les caméras, c’est autant d’agents en moins sur le terrain. ■