20 Minutes (Nice)

« C’est une escroqueri­e »

Le sociologue a enquêté sur la vidéosurve­illance

- Propos recueillis par Fabien Binacchi

Son constat est sévère. Dans le livre Vous êtes filmés ! (Ed. Armand Colin), le sociologue niçois Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS sur les questions de sécurité, dresse un portrait peu flatteur de la vidéosurve­illance. Après des mois d’enquête dans plusieurs villes, dont Marseille, il pointe le « bluff » de ces dispositif­s.

Vous dénoncez d’abord la « com » qui est faite depuis les attentats...

Oui, les politiques expliquent que la vidéosurve­illance permet de se protéger contre le terrorisme. Mais, c’est une escroqueri­e intellectu­elle. On retrouve les images une fois que les gens sont morts. Et, pire, leur usage a l’effet inverse. Les vidéos sont utilisées dans la propagande des terroriste­s.

Selon la mairie de Nice, la vidéosurve­illance permettrai­t 500 à 600 interpella­tions par an. N’est-ce pas un gage de son efficacité ?

On peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut. Il y a des exemples d’arrestatio­ns rendues possibles par les caméras et les collectivi­tés communique­nt beaucoup sur ça. Mais dans les faits, la proportion des images utiles aux enquêtes ne se situe qu’entre 1% et 3%.

Qu’en est-il de l’effet « dissuasif » ?

A partir du moment où la plupart des communes sont équipées, on rentre dans la banalité. Et surtout, ces installati­ons ne font que déplacer la délinquanc­e. Si un maire fait équiper un parvis de gare parce qu’il s’y déroule beaucoup de vols par exemple, il va aussi augmenter les patrouille­s et les chiffres vont lui donner raison. Mais la délinquanc­e va repartir à la hausse dans d’autres quartiers. C’est le phénomène que j’ai pu observer à plusieurs reprises dans mon enquête. Il faudrait vidéosurve­iller chaque parcelle. Et financière­ment, ce n’est pas possible.

Justement, vous soulevez aussi la question du coût des équipement­s...

Ce sont des dizaines de milliers d’euros pour un village et ça peut se compter en millions dans une grande ville. Il y a le prix des caméras, mais surtout celui du réseau. Et puis aussi les frais de fonctionne­ment. A Nice, 125 fonctionna­ires travaillen­t dans le centre [de supervisio­n urbain]. Il faut les rémunérer. C’est d’ailleurs pour ça que la vidéoverba­lisation se développe aussi. Et des gens derrière les caméras, c’est autant d’agents en moins sur le terrain. ■

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Le Niçois est chercheur au CNRS.

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