Les manifestations peinent à trouver un écho dans la rue
La manifestation anti-Macron de samedi n’a pas mobilisé les foules, même si la grogne ne faiblit pas
Ce devait être une mobilisation historique. Mais la « marée populaire » de samedi n’a pas rencontré le succès prédit. Les 190 rassemblements ont réuni 93 315 manifestants à travers le pays, selon le ministère de l’Intérieur, entre 250 000 et 280 000 personnes selon les organisateurs. A Paris, 31 700 personnes ont défilé, selon le cabinet Occurrence pour un collectif de médias, soit moins que la « fête à Macron » le 5 mai. La convergence des luttes, tant espérée par la France insoumise, ne serait-elle alors qu’une illusion ?
« Le niveau de mobilisation est inférieur à celui que Mélenchon souhaiterait, mais on ne peut pas dire que le pari soit complètement raté », répond Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences Po. Cette «marée populaire » marque un tournant. Pour deux raisons : la contestation sociale, jusqu’à présent circonscrite à des mouvements catégoriels, réunissait cette fois cheminots, fonctionnaires, professionnels de santé et retraités. Mais surtout, au niveau politique, puisque soixante syndicats, associations et partis politiques ont lancé un appel unitaire très rare. Benoît Hamon a toutefois reconnu que la mobilisation n’avait pas été à la hauteur des espoirs, déclarant sur BFMTV samedi soir qu’il faudrait « sans doute qu’on cherche à diversifier les formes d’action ». Cela montre aussi, à ses yeux, que « si on pense qu’il peut y avoir de la violence très forte, vous ne sortez pas les poussettes et les enfants ».
Autre hypothèse pour expliquer cette désaffection : les appels à la mobilisation à répétition en ce mois de mai. Après le défilé du 1er mai, François Ruffin avait invité les militants à faire la « fête à Macron » le 5 mai, tandis que les neuf syndicats de fonctionnaires ont lancé un appel à la grève le 22 mai... Mais, pour Bruno Cautrès, cette multitude de cortèges prouve justement que la grogne s’exprime : « En un mois ça fait beaucoup d’initiatives, donc on ne pas pas dire que ces mobilisations ne représentent rien. »
Mélenchon, le repoussoir
Pour Rémi Bourguignon, enseignantchercheur à l’IAE de Paris-I et au Cevipof sur les mouvements sociaux, cet appel a eu du mal à séduire pour une question d’image. « Les médias ont présenté cela comme la manifestation de Mélenchon. Or beaucoup ne se reconnaissent pas dans cet homme politique. » Pour Bruno Cautrès, « si Mélenchon veut s’installer dans la perspective de la présidentielle de 2022, il doit mettre bout à bout ces luttes catégorielles, comme l’avait fait François Mitterrand en 1981. Mélenchon ou un autre plus jeune et aussi charismatique. »