« Un ostracisme par défaut»
Littérature Le directeur des éditions ActuSF, Jérôme Vincent, évoque l’absence de romans de l’imaginaire parmi les prix littéraires prestigieux
La saison des prix littéraires s’achève sur un nouveau constat de manque de diversité. Comme chaque année, aucun roman fantastique ou de science-fiction ne figure parmi les lauréats. Les littératures de l’imaginaire ont leurs propres prix. Jérôme Vincent, directeur des éditions ActuSF et du site actusf.com, évoque le rapport de l’imaginaire aux prix littéraires.
Que représentent les genres littéraires de l’imaginaire en France ?
Les littératures de l’imaginaire représentent 4 % de la production littéraire totale et 7 % du chiffre d’affaires global de l’édition. On peut les voir comme un marché de niche de plus en plus florissant.
Des prix comme le Goncourt peuvent-ils avoir une importance ?
Bien sûr, ce genre de prix apporte de la légitimité. On ne fait pas partie d’une littérature à part, il est donc tout à fait possible d’être primé comme n’importe qui. Mais, à force de ne jamais avoir eu de retour, les éditeurs d’imaginaire ont arrêté d’envoyer leurs livres aux jurys.
Existe-t-il un certain mépris de la part des jurys littéraires, selon vous ?
Les jurys ne sont pas méchants et sont ouverts si on les sollicite. Mais il y a tout de même un ostracisme par défaut. Un léger renouvellement des jurés ne ferait donc pas de mal, comme dans tous les domaines. Les jurés des grands prix n’ont pas forcément d’appétence pour l’imaginaire, ils ne sont pas particulièrement intéressés et ne les privilégient pas, par rapport à la littérature dite « blanche ».
Comment changer les choses ?
En 2017, plusieurs maisons d’édition se sont associées. On [les éditions ActuSF] a décidé avec Le Bélial’, Critic, Les Moutons électriques et Le Peuple de Mü d’envoyer une sélection de titres à l’académie Goncourt. Ça permet une meilleure visibilité collective. Les Etats généraux de l’imaginaire ont aussi permis de mettre en place des actions concrètes. Le Mois de l’imaginaire, en octobre, est mis en place par un groupe de 44 éditeurs, et permet d’en faire parler. Depuis le lancement de ces actions l’année dernière, il n’y a jamais eu autant d’articles sur le sujet. Il faut se botter le cul et réveiller les maisons d’édition de l’imaginaire.
Trouvez-vous qu’il y a une amélioration de la perception de l’imaginaire chez le grand public ?
L’affluence dans les salons de l’imaginaire démontre que ça intéresse un grand nombre de personnes. Les Utopiales de Nantes ont comptabilisé 90 000 visites cette année, c’est énorme ! «La Grande Librairie » [sur France 5] a fait une émission sur Tolkien et devrait en faire une sur Robin Hobb, qui a donné une conférence au Salon du livre de Paris [en mars]. L’évolution est positive.