Quand c’est la mer qui prend la terre
Quelles solutions contre l’érosion des plages ?
La baie de Villefranche, sa douce courbe, son soleil au zénith. Et son sable qui disparaît. Année après année, la mer grignote cette anse des Alpes-Maritimes. En cinquante ans, le trait de côte de la plage a avancé sur la terre, perdant en moyenne 5 m de littoral. En France métropolitaine, 26 km² de territoire ont disparu depuis un demi-siècle. « On constate une accélération de l’augmentation du niveau de la mer due au changement climatique à l’échelle globale, expliquent les services de l’Etat. Depuis 1870, ce niveau s’est élevé de 20 cm. Le niveau augmente désormais de 3,2 mm par an. »
Cette évolution, c’est le Cerema qui l’évalue. Le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement a lancé l’application Rivages. « Cette appli est participative. Il faut aller sur la plage, marcher le long de la mer et prendre des photos », explique Frédéric Pons, chef de projet. Les données sont ensuite matérialisées par un bleu foncé, le trait bleu clair étant la limite terre-mer il y a cinquante ans. C’est ainsi que l’on se rend compte que la plage de Villefranche de 1968 se retrouve aujourd’hui sous la Méditerranée. Idem pour certaines plages d’Antibes ou de Cap d’Ail. Paradoxalement, sur les 20 000 km de littoral français, c’est parfois la terre qui prend le pas sur la mer. Chaque année, Cannes importe 4 500 m3 de sable de carrière pour « rengraisser » le littoral au mois de juin. En 2018, 80 000 m3 de sable ont été ajoutés pour obtenir une bande de 40 m de large. Cette fois-ci, les traits de l’appli Rivages s’inversent : c’est la mer qui recule artificiellement. Mais ces travaux exposent davantage les côtes aux coups de mer, tempêtes, submersions marines et inondations. A chacun ses solutions. Le département des Alpes-Maritimes a immergé des bambous au large de Villeneuve pour casser les vagues. D’autres communes construisent des digues, des brises-vagues, des enrochements. « Il faut que les ordres de grandeurs des phénomènes soient adaptés aux protections, pointe Philippe Bardey du bureau d’études Acri In, basé à Sophia-Antipolis. Il existe aussi des protections légères comme laisser les herbiers de posidonie (plantes aquatiques) pendant l’hiver. » Pas de quoi lutter durablement contre la montée inexorable de l’eau. « A l’horizon 2100, les études prévoient une augmentation vraisemblablement comprise entre 50 cm et 1 m », estiment les services de l’Etat. Le scénario serait plus catastrophique pour les scientifiques de Climate Central. Selon eux, dans un siècle, l’aéroport de Nice serait submergé. En prenant hypothétiquement 4°C, la mer monterait de 8,9 m. « Dans les Alpes-Maritimes, il y a la montagne, l’Estérel, les Alpes, rassure Philippe Bardey. On ne sera pas noyé. » A condition de s’éloigner.
La posidonie