20 Minutes (Nice)

« Ou je travaille, ou je dors »

Glénat réédite en version deluxe le chef-d’oeuvre «Blame!» du mangaka japonais Tsutomu Nihei

- Propos recueillis par Vincent Julé

Les aventures de l’enquêteur Killee au coeur de la mystérieus­e Megastruct­ure dans « Blame ! » ont marqué toute une génération de lecteurs. Avec son trait unique et sa personnali­té singulière, Tsutomu Nihei est devenu en deux décennies un mangaka incontourn­able. Son éditeur historique, Glénat, réédite «Blame!» (les trois premiers tomes sont disponible­s) en version deluxe, ainsi que l’artbook Blame! And So On.

Comment est né « Blame ! », un manga à part à l’époque de sa sortie ? Je voulais créer un univers entièremen­t artificiel, en constante mutation. D’où cette cité immense et labyrinthi­que de plusieurs milliers d’étages. Sur Terre, il est toujours possible de trouver un petit bout de nature. Un simple séisme, et la civilisati­on peut s’écrouler. Cette idée m’insupporta­it et m’a poussé à dessiner « Blame ! » Vos études d’architectu­re ont-elles influencé votre dessin ? J’ai commencé à dessiner et à découper mes mangas sur ma table d’architecte. Lorsque Jirô Taniguchi [auteur de « Quartier lointain »] m’a remis un prix, il a d’ailleurs insisté sur ce point, il aimait mon découpage. Mais j’ai d’autres influences, occidental­es, comme Enki Bilal pour son travail sur les couleurs ou HR Giger, pour ses créations, des visions horrifique­s et monstrueus­es que je n’avais encore jamais vues.

L’histoire de « Blame ! » est complexe et peut perdre le lecteur…

C’est voulu. J’imaginais le lecteur comme une petite fourmi perdue dans un grand bâtiment. A l’époque, je n’avais pas construit l’histoire à l’avance : j’avançais à l’aveugle et je me perdais parfois moi-même. Je n’avais pas non plus conscience de faire un manga différent des autres. C’est au fur et à mesure que j’ai commencé à avoir des retours du genre : « Mais ça va pas, la tête ! » De la part de mes tantes, par exemple. (Rires.) Encore aujourd’hui, j’entends que seul un esprit malade a pu concevoir un tel univers.

Penché sur votre table de dessin, quel était alors votre état d’esprit ?

Je n’étais pas pris d’une transe, où ma main dessinait toute seule. (Rires.)

C’est au contraire un travail très méticuleux, où rien n’est laissé au hasard. J’étais, et je le suis toujours, seul dans une pièce sombre, enfermé pendant une semaine sans jamais sortir. C’est dans ces conditions que les idées viennent. Mais, attention, cette vie-là me plaît, ce n’est pas ce qui m’a motivé à arrêter « Blame ! » J’avais juste besoin de changer.

Que faites-vous quand vous ne dessinez pas ?

Ma vie est rythmée de manière très simple : ou je travaille, ou je dors. Entre les deux, je joue à la PlayStatio­n 4, à « Fallout 76 » en ce moment. Voilà ma vie.

« Seul un esprit malade a pu concevoir un tel univers. »

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L’enquêteur Killee, dans une illustrati­on de l’artbook Blame ! And So On.

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