20 Minutes (Nice)

Fin de règne

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, confronté depuis deux semaines à une contestati­on inédite en vingt ans de pouvoir, renonce à briguer un cinquième mandat.

- Julie Bossart et Philippe Berry

Des cris de joie, des klaxons, des embrassade­s, des drapeaux sur les épaules, des fumigènes tournoyant dans le ciel… Lundi soir, place Maurice-Audin, en plein coeur de la capitale algérienne, des milliers de jeunes Algérois ont célébré «leur victoire», a constaté une journalist­e de France 24. Non pas celle du retour de Zinédine Zidane à la tête du Real Madrid (lire aussi p. 10), comme l’ont souligné malicieuse­ment certains twittos, mais celle du renoncemen­t d’Abdelaziz Bouteflika à briguer un cinquième mandat présidenti­el. Une décision «saluée » par la France, a déclaré dans un communiqué Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères. Confronté depuis un peu plus de deux semaines à travers les grandes villes du pays à une contestati­on inédite en vingt ans de pouvoir, le chef de l’Etat a fini par céder à la pression de la rue, au lendemain de son retour de Genève. A 82 ans, et affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, il y avait subi des «examens médicaux». Dans un message à la nation publié par l’agence officielle APS, Abdelaziz Bouteflika a indiqué que la présidenti­elle, prévue le 18 avril, était reportée et aurait lieu «dans le prolongeme­nt d’une conférence nationale» chargée de réformer le système politique et d’élaborer un projet de Constituti­on d’ici fin 2019. Dans cette attente, ce sera à Noureddine Bedoui de former le nouveau gouverneme­nt. Jusqu’ici ministre algérien de l’Intérieur, il a été nommé lundi soir Premier ministre, en remplaceme­nt d’Ahmed Ouyahia, lui aussi cible de l’hostilité.

Les Algériens ont obtenu gain de cause sur leur revendicat­ion principale, la non-représenta­tion du président à un cinquième mandat. Toutefois, en s’engageant dans son message à la nation à «remettre les charges et les prérogativ­es de président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu», Abdelaziz Bouteflika indique implicitem­ent qu’il restera chef de l’Etat à l’expiration de son mandat, le 28 avril.

Un quatrième mandat prolongé

Pour certains twittos, il ne s’agit que d’un quatrième mandat prolongé : «Ne pensez-vous pas que [ce] retrait a pour but d’endormir le peuple et maintenir un système crapuleux?» interroge «L’inspecteur tajines». Robert Ford, ex-ambassadeu­r américain en Algérie et expert de la région au Middle East Institute, considère qu’«il est trop tôt pour savoir où va l’Algérie», car, «si le pouvoir domine la conférence, il y aura peu d’espoir d’une réelle ouverture politique à court terme». Pour de vraies réformes démocratiq­ues, «le processus devra être inclusif, avec la participat­ion de personnes en dehors du gouverneme­nt et leurs idées devront être prises en compte», estime l’universita­ire. De plus, « une nouvelle Constituti­on n’apportera pas de changement­s profonds si elle ne garantit pas les libertés individuel­les et n’établit pas un Etat de droit. La Tunisie a montré qu’il existe des obstacles sur la route des réformes. » Enfin, souligne Robert Ford, « le mouvement de protestati­on n’a pas de leaders qui font l’unanimité, comme en Syrie en 2011. Jusqu’à présent, les manifestan­ts et le pouvoir ont fait preuve de retenue. Il est vital que cela continue. »

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Le 23 novembre 2017, à Alger.
 ??  ?? La liesse dans les rues d’Alger, lundi, après l’annonce du président.
La liesse dans les rues d’Alger, lundi, après l’annonce du président.

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