Fin de règne
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, confronté depuis deux semaines à une contestation inédite en vingt ans de pouvoir, renonce à briguer un cinquième mandat.
Des cris de joie, des klaxons, des embrassades, des drapeaux sur les épaules, des fumigènes tournoyant dans le ciel… Lundi soir, place Maurice-Audin, en plein coeur de la capitale algérienne, des milliers de jeunes Algérois ont célébré «leur victoire», a constaté une journaliste de France 24. Non pas celle du retour de Zinédine Zidane à la tête du Real Madrid (lire aussi p. 10), comme l’ont souligné malicieusement certains twittos, mais celle du renoncement d’Abdelaziz Bouteflika à briguer un cinquième mandat présidentiel. Une décision «saluée » par la France, a déclaré dans un communiqué Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères. Confronté depuis un peu plus de deux semaines à travers les grandes villes du pays à une contestation inédite en vingt ans de pouvoir, le chef de l’Etat a fini par céder à la pression de la rue, au lendemain de son retour de Genève. A 82 ans, et affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, il y avait subi des «examens médicaux». Dans un message à la nation publié par l’agence officielle APS, Abdelaziz Bouteflika a indiqué que la présidentielle, prévue le 18 avril, était reportée et aurait lieu «dans le prolongement d’une conférence nationale» chargée de réformer le système politique et d’élaborer un projet de Constitution d’ici fin 2019. Dans cette attente, ce sera à Noureddine Bedoui de former le nouveau gouvernement. Jusqu’ici ministre algérien de l’Intérieur, il a été nommé lundi soir Premier ministre, en remplacement d’Ahmed Ouyahia, lui aussi cible de l’hostilité.
Les Algériens ont obtenu gain de cause sur leur revendication principale, la non-représentation du président à un cinquième mandat. Toutefois, en s’engageant dans son message à la nation à «remettre les charges et les prérogatives de président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu», Abdelaziz Bouteflika indique implicitement qu’il restera chef de l’Etat à l’expiration de son mandat, le 28 avril.
Un quatrième mandat prolongé
Pour certains twittos, il ne s’agit que d’un quatrième mandat prolongé : «Ne pensez-vous pas que [ce] retrait a pour but d’endormir le peuple et maintenir un système crapuleux?» interroge «L’inspecteur tajines». Robert Ford, ex-ambassadeur américain en Algérie et expert de la région au Middle East Institute, considère qu’«il est trop tôt pour savoir où va l’Algérie», car, «si le pouvoir domine la conférence, il y aura peu d’espoir d’une réelle ouverture politique à court terme». Pour de vraies réformes démocratiques, «le processus devra être inclusif, avec la participation de personnes en dehors du gouvernement et leurs idées devront être prises en compte», estime l’universitaire. De plus, « une nouvelle Constitution n’apportera pas de changements profonds si elle ne garantit pas les libertés individuelles et n’établit pas un Etat de droit. La Tunisie a montré qu’il existe des obstacles sur la route des réformes. » Enfin, souligne Robert Ford, « le mouvement de protestation n’a pas de leaders qui font l’unanimité, comme en Syrie en 2011. Jusqu’à présent, les manifestants et le pouvoir ont fait preuve de retenue. Il est vital que cela continue. »