« Partout en Europe, il y a un recul de la liberté de la presse »
« 20 Minutes » tente de comprendre les changements dans les relations entre le pouvoir et ceux qui « font » ou « sortent » l’information
« Les journalistes ne m’intéressent pas », avait tranché Emmanuel Macron quelques mois après son élection à la tête de l’Etat français, en 2017. Coup de com, simple maladresse ou vérité toute crue ? Quoi qu’il en soit, au-delà des paroles, il y a des lois, votées sous sa présidence. Celle contre les fake news, celle sur le secret des affaires ou encore la réforme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il y a aussi la création d’un conseil de déontologie des médias. Les médias semblent avoir rarement été autant secoués. Pourtant, le président de la République avait prévenu l’ensemble de la profession, dès janvier 2018 : « La proximité à laquelle nous avions pu parfois nous habituer, je pense, n’était bonne ni pour le pouvoir politique, ni pour l’exercice du métier de journaliste. » Pour Alexis Lévrier, historien de la presse et des médias, « il est objectivement plus difficile d’exercer le métier de journaliste depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Quand on se revendique de l’héritage gaulliste et bonapartien, ça pose un certain nombre de problèmes en ce qui concerne la liberté de la presse. » Car le chef de l’Etat est un jupitérien convaincu. Il ne croit pas au « président normal » qu’a prétendu être son prédécesseur, François Hollande. Quitte à briser quelques règles, avec la perquisition des locaux d’un journal (Mediapart, en février) et la convocation de plusieurs journalistes par la Direction générale de la sécurité intérieure – huit jusqu’à présent.
« Pas de dictature »
Bien que nous ne soyons « pas dans une dictature », précise Alexis Lévrier, certains points inquiètent. Onzième au classement mondial de la liberté de la presse en 2002, la France est désormais 32e. Derrière la Namibie et Chypre, entre autres. Ce qui n’est « pas excellent du tout, souligne Pauline Adès-Mével, en charge du secteur Europe à Reporters sans frontières (RSF). Voire très surprenant pour un pays comme la France. » En cause, des échanges musclés et récurrents entre les « gilets jaunes », les forces de l’ordre et les journalistes, ces six derniers mois.
« La liberté de la presse présente des inconvénients. Mais moins que l’absence de liberté », disait le président François Mitterrand. Malgré les discours défiants des débuts, Emmanuel Macron ne semble, au fond, pas penser différemment. En attestent ses voeux aux journalistes, en janvier 2018 : « Lorsque le contre-pouvoir que la presse constitue commence à être bâillonné, limité, encadré (…), c’est la vitalité de nos démocraties dans ce qu’elles portent depuis plusieurs siècles qui est ainsi bousculée. » Pauline Adès-Mével élargit le débat : « En Europe, partout, il y a eu un recul de la liberté de la presse. » Une journaliste a ainsi été assassinée à Malte en 2017, une autre en Bulgarie en 2018, une en Irlande du Nord, en avril…