Caisses, cagnottes, dons... Les grévistes s’organisent
«20 Minutes» a rencontré des salariés en grève contre la réforme des retraites, qui s’organisent pour tenir le coup financièrement
«Force à vous!» Une pièce de 2 € glisse dans la boîte en carton qui fait office de caisse de grève pour les agents de la RATP, sous le sourire de Linda Chekalil, conductrice de bus, en grève depuis le 5 décembre. Au 43e jour de mobilisation contre la réforme des retraites, les manifestants rencontrés par 20 Minutes dans la manifestation parisienne, jeudi, mènent la plus longue grève de leur vie de travailleur. Ils ont répondu à nos questions sur les moyens utilisés pour s’organiser financièrement, dans la durée.
Grâce au 13e mois et aux congés de Noël, l’impact financier a été un peu amorti en décembre pour certains salariés, comme Jean-Michel, contrôleur à la SNCF, ou Patricia, conductrice de métro à la RATP. Mais «on aura une jolie surprise à la fin du mois de janvier», ironise Cécile, salariée d’Enedis de 49 ans. En grève «ponctuellement», elle va perdre «au moins cinq jours» de salaire, comme son compagnon, lui aussi gréviste. Elle avait anticipé : «A Noël, j’ai pas fait de cadeau à mes enfants. Ils ont compris, car ils sont grands, et puis ils comprennent que je fais grève pour eux, pour leur future retraite.»
«C’est la démerde»
Au fil de la manifestation, on croise de nombreuses cagnottes dans les cortèges à Paris. Il y a celles, traditionnelles, des syndicats. « La confédération et les fédérations filent un coup de main à leurs adhérents, explique Cyril Manach, secrétaire général du pôle SEMCML à FO Transports et Logistique, c’est de l’ordre d’une douzaine d’euros par jour de grève. Mais il n’y a pas de trésor de guerre. Alors, on compte sur le soutien de la
famille, on essaie de négocier son découvert bancaire… On achète les produits premier prix au supermarché. C’est la démerde. »
La nouveauté, c’est la multiplication des caisses de grève en dehors des syndicats. Chaque ligne de métro ou de RER a la sienne, chaque établissement scolaire ou hospitalier. Elles sont ensuite redistribuées aux grévistes. Même si les sommes reversées peuvent être « symboliques », selon un agent RATP, « c’est surtout le sourire qui va avec le billet qui fait chaud au coeur». «Si ça permet de faire un plein d’essence ou de remplir un chariot de courses, c’est
déjà beaucoup, poursuit Linda Chekalil. C’est grâce à ça qu’on tient. L’argent, c’est le nerf de la guerre.» Alors qu’une nouvelle mobilisation est annoncée le 24 janvier, la plupart des grévistes interrogés comptent ne pas reprendre le travail tant que le gouvernement maintient sa réforme. Certains envisagent d’autres types de mobilisations, qui n’impliqueraient pas de continuer à perdre des jours de paie. Ou une opération coup de poing, comme Cécile : « Il faudrait une grève générale ! Je suis prête à perdre des jours de salaire si on fait tous grève. »