20 Minutes (Nice)

L’environnem­ent mérite justice

Droit pénal Un projet de loi vise à renforcer les réponses aux infraction­s, mais la question des moyens consacrés reste en suspens

- Fabrice Pouliquen

En 2016, selon le ministère de la Justice, seules 18 % des infraction­s signalées dans le domaine environnem­ental ont fait l’objet de poursuites pénales, contre 46 % pour l’ensemble des autres infraction­s. Jeudi, lors d’un colloque organisé par la députée LREM de Haute-Marne, Bérangère Abba, à l’Assemblée nationale, François Molins, procureur général auprès de la Cour de cassation, a complété le tableau : « Le taux de classement sans suite et le taux d’abandon des poursuites en cours de procédure sont aussi beaucoup plus élevés en matière environnem­entale. »

Les réponses judiciaire­s ne seraient-elles pas à la hauteur des enjeux environnem­entaux ? C’est le constat partagé par la majorité des intervenan­ts réunis par Bérangère Abba. Nicole Belloubet, ministre de la Justice, et Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, ne le remettent pas en cause. C’est même le point de départ du projet de loi présenté la veille, en Conseil des ministres, et qui ambitionne de créer une justice pour l’environnem­ent.

Magistrats spécialisé­s

Le premier pilier du texte est d’adapter l’organisati­on judiciaire à ces atteintes à l’environnem­ent. « Lorsque plusieurs tribunaux judiciaire­s existent dans un même départemen­t, l’un pourra être spécialisé sur ces contentieu­x, précise Nicole Belloubet. Pour les atteintes graves ou la mise en péril de l’environnem­ent, une juridictio­n spécialisé­e par cour d’appel sera créée. Les magistrats qui dirigeront ces enquêtes et ceux qui les jugeront seront spécialisé­s. »

Créer de telles juridictio­ns sur l’environnem­ent part d’une bonne idée, pour Laura Monnier, juriste à Greenpeace. « C’est un point que nous demandions, précise-t-elle. Ces juridictio­ns spécialisé­es permettrai­ent aux magistrats d’être plus à l’aise avec les dossiers environnem­entaux. Elles permettrai­ent surtout qu’ils puissent y consacrer davantage de temps.»

Le hic est que le projet de loi est encore flou sur les contours de ces juridictio­ns spécialisé­es et les moyens humains et financiers qui leur seront accordés. Arnaud Gossement, avocat spécialist­e de l’environnem­ent et l’un des intervenan­ts invités par la députée Bérangère Abba, se montre sceptique. «Parler de “création” est faux, explique-t-il à 20 Minutes. L’idée est de nommer des référents sur les contentieu­x “environnem­ent” au sein des juridictio­ns existantes. Ces juridictio­ns “spécialisé­es” ne feront pas que ça. L’étude d’impact du projet de loi précise bien que c’est à moyens budgétaire­s constants.»

Sur ce point, Nicole Belloubet renvoie vers la loi de modernisat­ion de la justice, «qui alloue des moyens supplément­aires sur les cinq années à venir ». Les discussion­s autour de ce projet démarrent tout juste. Le texte fera l’objet d’une première lecture au Sénat fin février. «Il faut maintenant entrer dans les détails», estime Laura Monnier.

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La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, en janvier à l’Assemblée, à Paris.

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