20 Minutes (Nice)

L’entêtante rose à l’épreuve du masque

La cueillette de la Centifolia, symbole du berceau mondial de la parfumerie, s’adapte à l’épidémie de Covid-19

- Fabien Binacchi

Les arômes d’agrume, de litchi, de miel et d’épices sont toujours là. Ils passent juste un peu moins bien à travers le masque. Dans la région de Grasse, la cueillette de la rose Centifolia, à la main, a commencé comme d’habitude aux premiers jours de mai, avec une seule différence : il a fallu cette année s’adapter à la crise liée au nouveau coronaviru­s.

Les saisonnier­s embauchés pour récolter les délicats pétales qui entreront dans la compositio­n de parfums ont été équipés et briefés en conséquenc­e.

« Un protocole a été bien établi, relève Fabrice Bianchi, directeur d’exploitati­on chez Mul, partenaire de Chanel. Il y a des groupes bien distincts, des masques en tissu que l’on a fait spécialeme­nt coudre, du gel hydroalcoo­lique et des distances à respecter. » Par chance, dans les six hectares de roseraies de ce producteur installé à Pégomas et La-Roquette-sur-Siagne, et où une soixante de personnes seront mobilisées jusqu’à la fin du mois de mai, les rangées de plants sont

espacées de 2,20 m. « Alors, il n’y a aucun problème pour faire respecter notre règle des 2 m de distanciat­ion », dit le responsabl­e.

Les précaution­s sanitaires changent un peu la donne aussi du côté du Domaine de Manon, à Grasse, qui fournit son entêtante rose de mai aux nez de la maison Dior. Cette année, les cueilleurs travaillen­t seul sur une rangée. Alors que, « d’habitude, chacun prend un tablier indifféren­cié, on s’entraide » en étant «l’un en face de l’autre, ça papote et c’est sympa », a détaillé à l’AFP Carole Biancalana, la propriétai­re. Les savoir-faire liés à la parfumerie de Grasse, désormais inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, sont à toute épreuve. Capable de s’adapter. Mais l’essentiel ne change pas. Ce sont « le sol sablo-limoneux et le terroir » qui font ici la marque infalsifia­ble de cette rose à cent-feuilles, symbole de la cité azuréenne, berceau mondial de la parfumerie, pointe Fabrice Bianchi. «Nous sommes dans la vallée de la Siagne et les débords successifs de ce cours d’eau ont rempli la terre d’alluvions», décrit-il. Et cette année, si particuliè­re soitelle, la quantité de fleurs récoltées devrait être « dans la moyenne » chez le producteur Mul. Le directeur d’exploitati­on espère que 40 t de pétales, «transformé­s immédiatem­ent dans des ateliers installés directemen­t dans les champs », partiront à « l’extraction ». De cette matière première, 60 kg « d’absolu », une huile, la quintessen­ce de la rose Centifolia, entreront dans la compositio­n de deux parfums Chanel : L’Extrait du N° 5 et N° 5 L’Eau. Un peu de Grasse en bouteille.

Les rangées de plants sont espacés de plus de 2 m, donc pas de problème de « distanciat­ion »

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Dans les roseraies exploitées pour le compte de la maison Dior, à Grasse.

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