L’entêtante rose à l’épreuve du masque
La cueillette de la Centifolia, symbole du berceau mondial de la parfumerie, s’adapte à l’épidémie de Covid-19
Les arômes d’agrume, de litchi, de miel et d’épices sont toujours là. Ils passent juste un peu moins bien à travers le masque. Dans la région de Grasse, la cueillette de la rose Centifolia, à la main, a commencé comme d’habitude aux premiers jours de mai, avec une seule différence : il a fallu cette année s’adapter à la crise liée au nouveau coronavirus.
Les saisonniers embauchés pour récolter les délicats pétales qui entreront dans la composition de parfums ont été équipés et briefés en conséquence.
« Un protocole a été bien établi, relève Fabrice Bianchi, directeur d’exploitation chez Mul, partenaire de Chanel. Il y a des groupes bien distincts, des masques en tissu que l’on a fait spécialement coudre, du gel hydroalcoolique et des distances à respecter. » Par chance, dans les six hectares de roseraies de ce producteur installé à Pégomas et La-Roquette-sur-Siagne, et où une soixante de personnes seront mobilisées jusqu’à la fin du mois de mai, les rangées de plants sont
espacées de 2,20 m. « Alors, il n’y a aucun problème pour faire respecter notre règle des 2 m de distanciation », dit le responsable.
Les précautions sanitaires changent un peu la donne aussi du côté du Domaine de Manon, à Grasse, qui fournit son entêtante rose de mai aux nez de la maison Dior. Cette année, les cueilleurs travaillent seul sur une rangée. Alors que, « d’habitude, chacun prend un tablier indifférencié, on s’entraide » en étant «l’un en face de l’autre, ça papote et c’est sympa », a détaillé à l’AFP Carole Biancalana, la propriétaire. Les savoir-faire liés à la parfumerie de Grasse, désormais inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, sont à toute épreuve. Capable de s’adapter. Mais l’essentiel ne change pas. Ce sont « le sol sablo-limoneux et le terroir » qui font ici la marque infalsifiable de cette rose à cent-feuilles, symbole de la cité azuréenne, berceau mondial de la parfumerie, pointe Fabrice Bianchi. «Nous sommes dans la vallée de la Siagne et les débords successifs de ce cours d’eau ont rempli la terre d’alluvions», décrit-il. Et cette année, si particulière soitelle, la quantité de fleurs récoltées devrait être « dans la moyenne » chez le producteur Mul. Le directeur d’exploitation espère que 40 t de pétales, «transformés immédiatement dans des ateliers installés directement dans les champs », partiront à « l’extraction ». De cette matière première, 60 kg « d’absolu », une huile, la quintessence de la rose Centifolia, entreront dans la composition de deux parfums Chanel : L’Extrait du N° 5 et N° 5 L’Eau. Un peu de Grasse en bouteille.
Les rangées de plants sont espacés de plus de 2 m, donc pas de problème de « distanciation »