20 Minutes (Nice)

Les accusés masqués, « c’est un problème »

Le procès des attentats de janvier 2015 s’est ouvert mercredi, à Paris

- Caroline Politi

Jeanne avait coché la date dans son calendrier depuis plusieurs semaines. «Mon père est un lecteur de Charlie Hebdo, j’ai grandi avec ce journal et je me souviens du choc immense que j’ai ressenti en apprenant l’attentat. Ça m’a semblé naturel de venir aujourd’hui », confie cette Parisienne de 27 ans. Comme elle, ils étaient plusieurs dizaines mercredi matin à patienter devant le tribunal judiciaire de Paris pour assister à l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, qui ont visé Charlie Hebdo, la policière municipale Clarissa Jean-Philippe à Montrouge (Hauts-de-Seine) et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Dix-sept vies arrachées en trois jours par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, des dizaines d’autres profondéme­nt bouleversé­es.

Des non-dits «parlants»

Soupçonnés d’avoir apporté un soutien logistique aux terroriste­s, onze hommes (trois accusés sont en fuite), âgés de 30 à 68 ans, comparaiss­ent. Seul l’un d’entre eux, Ali Riza Polat, crâne rasé, masque sur le nez et chemise grise, présenté comme le bras droit d’Amedy Coulibaly, est renvoyé pour complicité de crimes. Mais alors que les débats n’ont pas encore commencé – la journée était

Toutes les personnes présentes au procès portent un masque.

consacrée à l’appel des parties et à la lecture du dossier –, une question pointe déjà : le port obligatoir­e du masque est-il compatible avec les droits de la défense ? « Vous allez juger un homme dont vous ne voyez pas le visage ? », interroge Me Beryl Brown, l’avocate de Michel Catino. Le président, Régis de Jorna, l’a lui-même reconnu, « c’est un problème », et a promis d’en discuter avec le premier président de la cour d’appel et le bâtonnier. Car, dans un procès, les nondits, les larmes ou les sourires sont parfois aussi « parlants » que les déclaratio­ns elles-mêmes.

Pour les parties civiles, ce débat semble néanmoins éloigné de leurs préoccupat­ions. Derrière les masques, on devine les visages fermés et les larmes qui coulent, alors que le président et son assesseur retracent la chronologi­e des attentats. Certains ont préféré partir, d’autres au contraire semblent s’être fait un devoir de rester jusqu’au bout. La colère de la mère du dessinateu­r Charb alors que le président écorche le prénom de son fils témoigne de l’émotion de cette première journée. La fin de la semaine sera consacrée à l’examen de la personnali­té des accusés.

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