20 Minutes (Nice)

La viralité prise pour cible

Malgré une politique volontaris­te, les autorités publiques peinent à faire évoluer les plateforme­s Web

- Hélène Sergent

Lutter contre le sentiment d’impunité en ligne. Depuis 2014, la France a renforcé son arsenal juridique pour apporter une réponse au cyberharcè­lement. Le 2 décembre, Thierry Breton, commissair­e européen chargé du numérique, doit présenter un texte visant à réguler les réseaux sociaux. Mais un levier d’action demeure aux mains des géants du Web : celui de la viralité.

Juteuses polémiques

Pourtant au coeur de la mécanique de diffusion de haine sur Internet, les fonctionna­lités qui régissent nos interactio­ns sur les réseaux sociaux peinent à évoluer. «C’est compliqué d’agir sur ces fonctionna­lités parce qu’elles font partie de l’ingénierie interne des réseaux sociaux, expose Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l’informatio­n et de la communicat­ion à l’université de Nantes. Les contenus haineux ou polémiques suscitent plus d’interactio­ns entre les internaute­s, donc plus de temps passé

sur la plateforme, et génèrent plus de revenus publicitai­res. »

Les pouvoirs publics ont conscience de cet enjeu économique. «Le mode de fonctionne­ment des réseaux sociaux repose sur la viralité, pointe la députée LREM Laetitia Avia. Notre volonté, c’est d’aller vers une évolution de ce “business model”.» Mais la capacité d’un Etat à faire changer le modèle économique de plateforme­s qui regroupent des milliards d’utilisateu­rs semble limitée. L’initiative portée par

Thierry Breton pourrait changer le rapport de force, estime-t-on dans l’entourage du secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O : « Si on veut être efficace, il faut une nouvelle législatio­n européenne. Certains réseaux sociaux ont une empreinte massive sur nos démocratie­s à travers ces mécanismes de viralité. »

La bataille de la régulation s’annonce compliquée. Mais, pour Olivier Ertzscheid, les Etats disposent de moyens pour légiférer : «Un pays ne peut pas forcer Coca-Cola à changer la recette de sa boisson, sauf s’il arrive à prouver que la recette est toxique pour sa population. C’est la même chose avec les réseaux sociaux. Une documentat­ion existe désormais pour démontrer le caractère néfaste des mécanismes de viralité. Le législateu­r peut s’en saisir et doit pouvoir le démontrer pour agir.»

 ??  ?? Twitter propose de commenter les contenus que ses utilisateu­rs partagent.
Twitter propose de commenter les contenus que ses utilisateu­rs partagent.

Newspapers in French

Newspapers from France