20 Minutes (Nice)

Le «1» est loin de figurer dans le top des joyaux architectu­raux niçois

Les lecteurs de «20 Minutes» ont, en majorité, désigné ce bâtiment de la promenade des Anglais comme étant «le plus laid» de la ville

- Fabien Binacchi

«D’une laideur absolue» pour Cyril, « sans âme » selon Marc. Il est même, c’est Ben qui le dit, «la verrue de Nice»… N’en jetez plus, la coupe est pleine ! En demandant à nos lecteurs, quel était, à leur sens, l’édifice « le plus laid» de la capitale azuréenne, les réponses ont été particuliè­rement fleuries concernant le plus cité. Non, le numéro 1 de la promenade des Anglais ne fait pas l’unanimité. «Bâtiment de verre et d’acier, horrible au possible », selon Dominique, il abrite aujourd’hui deux hôtels, un McDonald’s et le casino Ruhl. « Il n’est pas forcément le plus moche, mais je ne suis pas étonné qu’il termine numéro 1, analyse l’urbaniste niçois, Giovanni Fusco. Et il y a quatre raisons qui peuvent l’expliquer : ce qu’il est, où il se trouve, ce qu’il a remplacé et ce qu’il symbolise. » Inauguré en 1975, en lieu et place de l’hôtel Ruhl, une star de la Belle Epoque lancée en 1913, le nouveau bâtiment change résolument de style. A tel point que certains ont accusé Jacques Médecin, le maire de l’époque, de vouloir faire de Nice «un Las Vegas-sur-Mer ».

Style moderniste balnéaire

«C’est un bâtiment de style moderniste balnéaire, explique Giovanni Fusco. Et le mouvement moderne avait imposé un esthétisme épuré qui satisfaisa­it une certaine élite, mais qui n’a jamais plu au plus grand nombre. »

Et le spécialist­e va plus loin : « Les travaux d’Alexander et Salingaros expliquent aujourd’hui pourquoi les formes architectu­rales “belles” pour ceux qui les vivent au quotidien ont une complexité visuelle semblable à celle que l’on trouve dans la nature. Sans ornement et à la compositio­n simple, ce bâtiment ne répond pas à ce critère.» Il pâtit aussi de son emplacemen­t. « Le site est exceptionn­el, entre la promenade des Anglais, la mer et le Paillon, sur le point nodal du jardin Albert 1er. Tout objet sur ce site se doit d’être à son tour exceptionn­el. Et les observateu­rs éprouvent la tension entre l’exceptionn­alité du site et la banalité du bâtiment », pointe le directeur du laboratoir­e Espace du CNRS et de l’université Côte d’Azur.

D’autant plus «banal» ce bâtiment qu’il est venu remplacer un édifice de Charles Dalmas « emblématiq­ue de la Belle Epoque niçoise, opulent et chargé, avec des dômes, comme le Negresco qu’il a inspiré ». Et face à cette « perte » que certains éprouvent, «le nouveau bâtiment symbolise un urbanisme ignorant, qui se confond avec la promotion immobilièr­e et, dans son marketing à court terme, ignore l’histoire locale et piétine le sens des lieux», tranche enfin Giovanni Fusco. Selon lui, «Nice doit faire encore son bilan de l’action urbanistiq­ue des années Jacques Médecin, qui avait promu cette transforma­tion du paysage de la promenade pour moderniser l’image touristiqu­e de la ville». Il anticipe : « Les mêmes raisons pourraient faire d’Iconic le vainqueur d’une consultati­on dans trente ans. » Le futur bâtiment «diamant» de la gare de Nice, lancé par Christian Estrosi, figure d’ailleurs en bonne place dans le choix des lecteurs, alors même qu’il n’ouvrira pas avant fin 2021.

 ??  ??
 ??  ?? Le bâtiment accueille notamment l’hôtel Méridien et le casino Ruhl.
Le bâtiment accueille notamment l’hôtel Méridien et le casino Ruhl.

Newspapers in French

Newspapers from France