Bercy scrute les publications sur les réseaux sociaux
L’administration va expérimenter un algorithme visant à scruter les publications
«Big Brother is watching you.» Avec la publication du décret d’application le 13 février, Bercy a obtenu le dernier feu vert pour la mise en place d’un algorithme visant à scruter les publications des contribuables sur les réseaux sociaux, afin de détecter d’éventuelles fraudes fiscales. « Aujourd’hui, on aborde la mise en oeuvre de ce dispositif expérimental, qui va se dérouler sur trois ans », explique Adrien Aulas, avocat spécialiste en droit numérique.
› Pourquoi mettre en place cet algorithme ? Jusqu’à maintenant, le fisc pouvait croiser des données issues de ses propres fichiers (comptes bancaires, contrats de capitalisation et d’assurance-vie, base nationale des données patrimoniales) et des fichiers provenant d’autres administrations françaises ou étrangères. «La mise en place de cet algorithme est aujourd’hui un outil nécessaire pour faire face aux limites de nos systèmes de détection actuels », explique l’administration fiscale. Ce dispositif a pour objectif de cibler les trafics de produits de contrebande, les stupéfiants, mais aussi les contribuables qui s’adonnent à du commerce à grande échelle sans le déclarer, par l’intermédiaire de sites comme Le Bon Coin ou eBay.
› Quelles données pourront être collectées ? Bercy précise que «seuls les contenus se rapportant à la personne qui les a délibérément divulgués et dont l’accès ne nécessite ni saisie d’un mot de passe, ni inscription sur le site en cause, pourront être collectés et exploités ». Les contenus publiés « en privé » ne seront pas concernés, confirme Adrien Aulas, soulignant l’importance de bien renseigner les paramètres de confidentialité de ses comptes sur les réseaux sociaux. «Les commentaires, les “j’aime” et autres partages de contenus tiers ne pourront également pas être pris en compte», précise l’avocat. Les données collectées pourront être de diverses natures, par exemple une photo postée sur Facebook qui montre un patrimoine plus important que celui déclaré, ou un tweet qui trahit une activité professionnelle non déclarée.
› Quels risques pour le respect de la vie privée ? «C’est tout l’enjeu de ce nouveau dispositif, explique Adrien Aulas. Il y a le risque d’une collecte de données trop large qui porterait atteinte à la vie privée des citoyens de manière systématique. Il y a des points d’amélioration possible dans le dispositif actuel. Mais ce dernier a été passé au crible à plusieurs reprises par la Cnil et a été validé par le Conseil constitutionnel.» «L’hôtel où vous passez vos vacances ne nous intéresse pas », assure-t-on du côté de Bercy. Les données récoltées seront détruites au bout de trente jours, si elles ne présentent pas de preuve d’un manquement. Les usagers auront par ailleurs la possibilité d’avoir accès aux informations collectées les concernant, et disposeront d’un droit à la rectification ou à l’effacement de ces données.