L’ARN messager envoie des messages à la science
Selon la chercheuse Palma Rocchi, la technique pourrait s’appliquer à d’autres maladies
Les vaccins à ARN messager, développés par Pfizer-BioNTech et Moderna, représentent une immense découverte contre le Covid-19. Mais ce principe devrait chambouler la médecine dans sa globalité, explique Palma Rocchi, directrice de recherche à l’Inserm.
Quel est le principe de la vaccination par ARN messager ?
Les cellules du corps humain produisent de l’ARN messager [ARNm, sorte de duplicata d’un gène permettant la production d’une protéine, selon l’Inserm]. Avec les vaccins de Pfizer et Moderna, on injecte l’ARNm d’une protéine virale importante, la protéine Spike. Cela va en retour activer le système immunitaire. Cet ARNm est rapide à synthétiser en laboratoire.
Pfizer et Moderna assurent qu’ils pourraient fabriquer de nouveaux vaccins adaptés aux variants en quelques semaines…
C’est vrai. Le processus de fabrication étant au point, on peut modifier facilement le codage de synthèse de l’ARNm de la protéine qui a muté. C’est réalisé par des logiciels fiables et rapides.
Vous travaillez aussi sur un vaccin contre le cancer de la prostate…
Dans le cancer de la prostate, il y a une surexpression de la protéine PSMA [antigène membranaire spécifique de la prostate]. On pourrait très bien produire ces protéines PSMA plus ou moins modifiées pour activer efficacement le système immunitaire du patient. Chez Moderna, certains chercheurs travaillent déjà sur des vaccins pour traiter le cancer.
Peut-on imaginer la création d’un vaccin contre chaque cancer ?
Oui, mais le nerf de la guerre, ce sont les financements. Des vaccins contre le cancer utilisant l’ARN messager pourraient être synthétisés rapidement. Maintenant, savoir si ça va marcher et donner un timing, c’est autre chose.
La pandémie a-t-elle permis de faire avancer plus rapidement la recherche ?
Elle a permis de mettre en lumière des approches thérapeutiques innovantes.
On a pris conscience que l’utilisation de l’ARN messager est une révolution, pour la vaccination comme pour les thérapies. Mais l’ARN messager, on le connaissait depuis longtemps. Le principe a l’avantage de créer des médicaments spécifiques et rapides.
Quelles autres maladies que le cancer cela pourrait-il concerner ?
Le principe peut s’appliquer à la mucoviscidose, l’insuffisance rénale, la douleur… On peut imaginer des traitements pour toutes sortes de maladies. Même orphelines ! Et on pourrait les développer en moins d’un an. Car dans toutes les maladies, il y a une ou plusieurs protéines déficientes quelque part. Il suffit de connaître cette protéine et de synthétiser l’inhibiteur qui va cibler l’ARN messager de cette protéine défectueuse.