20 Minutes (Nice)

Des dîners trop riches

La rumeur autour d’une supposée participat­ion de ministres à des repas clandestin­s fait resurgir la détestatio­n des élites, en temps de crise.

- Jean-Loup Delmas

Diffusé vendredi, un reportage de M6 sur un luxueux restaurant clandestin à Paris a enflammé le week-end de Pâques. Une colère amplifiée par les propos du collection­neur PierreJean Chalençon dans le document : « J’ai dîné cette semaine dans deux ou trois restaurant­s qui sont soi-disant des restos clandestin­s, avec un certain nombre de ministres.» (Lire l’encadré.) Ce week-end, 190000 tweets ont été publiés derrière le hashtag #OnVeutLesN­oms autour des ministres supposémen­t concernés et 32 000 sur #MangeonsLe­sRiches. Pourquoi une haine aussi forte alors que, pour le moment, aucune preuve n’atteste la présence de ministres?

«Besoin de défouloir»

«L’époque est si difficile à vivre avec le coronaviru­s que les gens ont besoin de défouloir, explique Robert Zuili, psychologu­e et spécialist­e des émotions sociales. Toute occasion est bonne à prendre pour extérioris­er la colère.» Une absence de preuve d’autant plus reléguée au second plan que le scénario (des ministres allant dans des dîners cachés du reste de la société) colle avec les théories complotist­es sur les élites. William Genyes, politologu­e à Sciences po, atteste : «Les gens se jettent dedans car ils ont envie d’y croire, qu’importe si c’est faux, c’est plaisant et soulageant de penser que ça a lieu.»

Au-delà des repas, c’est surtout cette ambiance du monde d’avant qui suscite la jalousie. « Il y a le sentiment que, avec ces restaurant­s clandestin­s, les riches peuvent s’offrir un déni de réalité, vivre en dehors de la crise sanitaire, et faire comme si tout cela n’existait pas », note Robert Zuili. Après des mois de restrictio­ns, c’est bien l’insoucianc­e qui énerve le plus.

Dans un contexte psychique très tendu, « les gens sont à cran et se jettent sur tout sentiment d’injustice ou tout comporteme­nt qu’ils ne s’autorisent pas », résume le psychologu­e. Avant les riches dans les restaurant­s clandestin­s, les Parisiens en exil ou les joggeurs subirent l’ire, au moins virtuelle, de la foule. A qui le tour ?

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Pierre-Jean Chalençon évoque des dîners avec des ministres dans le reportage.

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