20 Minutes (Nice)

Dans les camps de réfugiés, la paix passe par le sport

Ce réfugié syrien donne des cours de sport aux enfants dans le camp de Zaatari, en Jordanie

- Nicolas Camus

Lorsqu’il arrive en 2013 dans le camp de Zaatari, au nord de la Jordanie, Ali est un jeune homme de 21 ans qui a vu tous ses projets réduits en poussière. Huit ans plus tard, le Syrien est une personne connue de tout le monde, ou presque, dans le plus grand camp de réfugiés du Moyen-Orient, relais privilégié du HCR (Haut Commissari­a des Nations unies pour les réfugiés) pour sa dernière campagne sur la sensibilis­ation aux violences faites aux femmes. Un statut de « leadeur communauta­ire » acquis grâce à son implicatio­n dans le programme Live Together de Peace and Sport, qui fait du sport un outil pour promouvoir la paix.

« Ces entraîneme­nts sont des moments de liberté pour les enfants. » Ali, réfugié syrien en Jordanie

L’histoire d’Ali est d’une terrible banalité dans un pays ravagé par la guerre civile. Contraint d’arrêter ses études d’ingénieur et de fuir le domicile familia, après un bombardeme­nt, il s’est retrouvé sans rien, comme des centaines de milliers de compatriot­es. « On est partis de nuit, avec un seul sac, pour arriver dans ce camp au milieu du désert, nous raconte-t-il. A cette époque, il n’y avait que des tentes et pas d’électricit­é.

On recevait de la nourriture deux fois par jour, mais il n’y avait aucune activité, pas d’école et pas d’université. C’est là que j’ai arrêté d’étudier et que je suis devenu un réfugié. » Quatre ans plus tard, Ali participe à un séminaire de Peace and Sport. L’organisati­on monte un programme dans le camp et cherche des éducateurs. « Il s’est particuliè­rement distingué, se souvient Laurent Dupont, le directeur général. Il a une capacité relationne­lle au-dessus de la moyenne, il dégage quelque chose, un charisme, et il a beaucoup travaillé. Par exemple, il ne parlait pas anglais en arrivant dans le camp, et fait aujourd’hui partie des meilleurs dans ce domaine. » Depuis, Ali donne des cours de kickboxing à des enfants majoritair­ement âgés de 9 à 14 ans. Le rôle de l’éducateur va audelà de la simple activité physique. Il s’agit davantage d’éducation et de vivre ensemble. « Le sport est un super outil de paix, estime Ali. Il permet de transmettr­e des valeurs positives. Les enfants sont à fond, ces entraîneme­nts sont des moments de liberté pour eux.

Les parents nous disent que cela a un effet positif sur eux, qu’ils sont plus épanouis, plus optimistes. »

Modèle de résilience, le jeune homme est pris en exemple par Peace and Sport pour mettre en avant son action. Un documentai­re a été tourné et diffusé en décembre 2020 sur Canal+. On y découvre également Nasren, qui donne des cours de self-defense à de petites filles. Un sacré défi dans la culture traditionn­elle syrienne. « Nasren est un modèle pour elles, salue Ali. Ses cours sont un fantastiqu­e moyen de les valoriser. En tant que père de deux filles, je trouve important de leur offrir de nouvelles opportunit­és. »

« Chez eux, les filles et les garçons ne peuvent pas forcément pratiquer le sport ensemble, ajoute le DG. L’enjeu, pour nous, est de réussir à encourager la mixité. Le sport permet aux femmes d’exister, de prendre confiance en elles. » C’est toute la communauté qui en tire les bénéfices. « Si vous laissez un village sans aucune activité, chacun reste chez soi, illustre Laurent Dupont. Organisez un match, et vous réunirez des gens qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés. »

« Le sport est un langage universel, qui vous apprend beaucoup. » Ali

Aujourd’hui, le camp de Zaatari compte près de 80 000 réfugiés. Des enfants y naissent chaque jour, et ne connaîtron­t rien d’autre avant longtemps. Voire y resteront toute leur vie, si la Jordanie décide de transforme­r le camp en « vraie » ville, une fois le conflit syrien terminé. Ali, lui, rêve d’un retour chez lui, dans un pays en paix, où il pourrait mettre à profit ce qu’il a appris dans cette vie qu’il n’a pas choisie. « Le sport est un langage universel, qui vous apprend beaucoup, dit-il. J’espère que j’aurai l’occasion de partager ces valeurs et d’améliorer la vie de ma famille. »

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Ali donne des cours de kickboxing à des enfants de 9 à 14 ans.
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Arrivé en 2013 dans le camp Zaatari, Ali (à dr.) est devenu un des éducateurs de l’organisati­on Peace and Sport.

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