150 ans d’essor du handisport racontés en docu
Avec son film « De l’ombre à la lumière», Michaël Jérémiasz va retracer 150 ans d’histoire du handisport
Monter un projet audiovisuel d’envergure relève souvent du parcours du combattant. L’ancien athlète handisport Michaël Jérémiasz et son ami réalisateur Philippe Fontana le savent mieux que quiconque. Encore plus quand il s’agit de vendre un sujet sur le handicap, que les plus cyniques du milieu qualifieront de «peu bankable». Alors, pour mener à bien leur ambition, celle, dixit le multiple médaillé paralympique en tennis-fauteuil, de faire « des films engagés qui traitent de minorités opprimées dont on ne parle pas, peu ou mal», ils ont décidé de prendre les choses en main et de créer leur propre boîte de production. Baptisée Les Gros Films, elle a vu le jour en 2019. Ainsi, après s’être essayé sur des minimétrages, les deux amis se sont lancés dans une aventure d’envergure : marquer un tournant dans la question de l’acceptation des personnes handicapées dans nos sociétés en racontant 150 ans d’histoire du handicap par le prisme du sport. Le docu, intitulé De l’ombre à la lumière, devrait voir le jour d’ici la fin de l’année 2021. «On va aller à la rencontre d’hommes et de femmes qui se sont battus pour leurs droits, pour l’accès à une salle de sport, à un club, à une vie sportive et donc sociale et qui, par leurs combats, ont réussi à ouvrir des portes pour le plus grand nombre», présente Jérémiasz. Des premiers Jeux pour les sourds en
1924 aux Jeux paralympiques de 1960 à Rome, en passant par le succès d’audience de ceux de Londres en 2012, nos deux amis veulent amener le public à découvrir comment l’histoire du sport et du handicap sont intimement liées.
Pourquoi traiter la question par le prisme du sport? Parce qu’ils se sont rendu compte que le sport avait permis de faire avancer la cause du handicap partout dans le monde et de normaliser la perception qu’ont les gens des personnes handicapées. «A titre personnel, relate l’ancien champion de tennis-fauteuil, le sport m’a permis de découvrir mes propres limites et pas celles que la société m’a imposées.» Il mesure d’ailleurs le chemin parcouru : «Il y a cent cinquante ans, nous, les handicapés, étions perçus comme des bêtes de foire, des abominations divines.» «Jusqu’à la fin du XIXe siècle, on cachait les personnes handicapées, on les enfermait, quand on ne les euthanasiait pas purement et simplement», relate Philippe Fontana. Il faudra attendre les débuts de l’ère industrielle et les guerres de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle, avec leur lot de mutilés, de gueules cassées et d’accidentés du travail, pour que la société cesse enfin de cacher celles et ceux qu’elle ne voulait pas voir. « C’est le début de l’Etat-providence qui commence à jouer son rôle, expose le réalisateur. On va enfin considérer et accompagner les personnes que la société a rendues infirmes et le sport va vite embrayer. ». « La vie que j’ai pu avoir ces quinze-vingt dernières années en tant que sportif, c’est grâce à ces personnes-là qui se sont battues pour la condition des handicapés dans le monde», applaudit Michaël Jérémiasz.
Pour Philippe Fontana, « le sport devient un outil de communication pour apparaître aux yeux de tous ». Le point d’orgue étant sans conteste les Jeux paralympiques de Londres en 2012 qui, selon l’athlète, « ont révolutionné le paralympisme ». « On s’est rendu compte que, quand les Jeux paralympiques sont diffusés à la télé, ils deviennent une fenêtre d’exposition du handicap et pas seulement du sport, pose le réalisateur. J’ai la faiblesse de penser que ça influe petit à petit sur le public. Et le public, c’est la société.» Les chiffres en attestent. Quand en 2016, à l’occasion des Jeux de Rio, France Télévisions décide d’accorder une vraie place aux Jeux paralympiques sur ses antennes, le carton d’audience est au rendez-vous. «Ça prouve bien que la société est prête à voir des corps différents du sien », en conclut Philippe Fontana. Alors, à trois ans des Jeux de Paris, Jérémiasz et son acolyte espèrent que la France sera au rendez-vous de l’enjeu sociétal. « Il faut se demander comment on peut se servir des Jeux de 2024 pour transformer la société française sur la question du handicap.» A commencer par ce film, qu’il espère pouvoir à terme projeter « dans toutes les écoles de la République» : « Je voudrais qu’il soit un tournant sur la question de l’acceptation et la normalisation du handicap, n’hésite pas à affirmer l’ancien athlète. On veut d’une certaine manière qu’il y ait un avant et
«Il y a cent cinquante ans, les handicapés étaient perçus comme des bêtes de foire.»
Michaël Jérémiasz, médaillé paralympique