20 Minutes (Nice)

L’autrice Salomé Berlioux à livre ouvert sur l’infertilit­é

Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Armelle Le Goff

Salomé Berlioux, fondatrice et directrice de Chemins d’avenirs, une start-up sociale qui accompagne aujourd’hui 2 000 jeunes, est âgée de 31 ans. Elle vient de publier La Peau des pêches (éd. Stock), inspiré de son propre parcours en procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA).

Pourquoi avez-vous choisi un récit littéraire pour cette histoire qui est aussi la vôtre ?

Je voulais partir d’un récit très intime, l’histoire d’un couple, Diane et Aurélien, face à une épreuve de la vie, pour toucher à quelque chose de plus universel. Je ne voudrais pas que le livre intéresse seulement des femmes et des hommes qui sont dans un parcours de PMA et qui s’identifien­t au sujet. Votre roman traite de la difficulté de devenir parents, ce que nombre de personnes vivent. Pourquoi ce genre de récit est-il si rare ?

C’est aussi cette question qui m’a incitée à écrire. Depuis la parution de La Peau des pêches, des amis, des collègues et des centaines d’inconnus aussi m’écrivent en me révélant leurs propres souffrance­s sur le sujet. Pourquoi un tel paradoxe ? Je pense que c’est lié à la peur, qui est une des raisons du silence. Ce qui me gêne encore plus que la peur, qu’on peut comprendre, c’est la dimension un peu honteuse que la société projette sur les couples infertiles. Un homme qui ne peut pas donner un enfant à sa femme est-il vraiment un homme ? L’infertilit­é n’est pas une faiblesse, pas une fragilité. Pareil pour les femmes, il reste stigmatisa­nt de ne pas être mère.

Dans le roman, Diane et Aurélien font souvent face à la maladresse de leurs entourages…

De nombreux couples en PMA souffrent du regard et des réactions de leurs proches. Il y a notamment ces lieux communs sur le thème de « détendez-vous et vous tomberez enceinte », alors que vous devez vous injecter des hormones tous les jours, que ces piqûres vous font souffrir, que vous êtes dans une course contre la montre pour réussir à franchir toutes les étapes, tout en conciliant vos rendez-vous médicaux avec votre vie profession­nelle.

Que dire alors à des couples qui seraient dans cette situation ?

Probableme­nt faut-il se dire que l’infertilit­é fait partie des sujets, comme la maladie ou le deuil, qu’on ne peut pas comprendre parfaiteme­nt si on ne les a pas soi-même vécus. On risque toujours d’être un peu à côté. Etre à l’écoute, être présent, sera toujours plus juste que les recommanda­tions.

L’injonction à la maternité est-elle toujours présente, selon vous ?

Sans doute moins qu’auparavant. En revanche, ce n’est pas la même chose de décider de ne pas avoir d’enfants et le fait que ne pas avoir d’enfants est imposé. Renoncer à ce projet est une façon de repenser sa vie, ses projets, ses espoirs. Dans le parcours initiatiqu­e de Diane, qui a toujours voulu être mère, l’idée-clé est d’accepter que la vie va être plus compliquée que prévu.

A côté de Diane, il y a Aurélien, personnage masculin, qui existe vraiment lui aussi.

Oui, je voulais que l’homme ait un rôle important. On a trop souvent tendance à négliger les hommes dans le processus de PMA, alors qu’ils sont aussi présents. Avec souvent une forme de culpabilit­é, d’incompréhe­nsion par rapport à ce qui se passe pour les femmes qui vivent à leurs côtés. C’est un personnage masculin engagé, fort et vulnérable. Il n’empêche que c’est une expérience difficile à gérer pour un couple. Cela fait partie des choses qui ne sont pas dites. Votre profession d’entreprene­use sociale pourrait-elle vous aider à prendre à bras-le-corps ce sujet, où l’Etat est plutôt absent ?

Bien sûr, en tant qu’entreprene­use sociale, je me pose la question : comment avoir un impact systémique sur ce sujet des couples face à l’infertilit­é? Comment imaginer des réponses collective­s? C’est ce à quoi je me suis attaquée concernant les jeunes en milieu rural avec Chemins d’avenirs. C’est passé par une structure associativ­e pour le premier sujet, là par un roman. Cela va-t-il ensuite donner lieu à des combats de terrain? Ce n’est pas impossible.

« Il reste stigmatisa­nt de ne pas être mère.»

«C’est une expérience difficile à gérer pour un couple.»

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«De nombreux couples en PMA souffrent du regard et des réactions de leurs proches», explique Salomé Berlioux, qui publie un roman inspiré de son histoire.
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