20 Minutes (Paris)

Un nouveau souffle dans l’écriture de l’éloge funèbre

Les journalist­es culture ont dû faire face à une hécatombe d’artistes en 2016

- Benjamin Chapon

L’année 2016 restera comme celle du décès de… plein de monde. De David Bowie à Carrie Fischer, en passant par Prince, ou Leonard Cohen, les douze derniers mois ont ainsi été très éprouvants pour les journalist­es des services culture. « On a connu une hécatombe comme jamais, raconte Julien Gester qui dirige celui de Libération. On est nombreux à Libé à avoir un rapport très affectif à certaines personnali­tés décédées en 2016. Mais au-delà de la qualité des artistes, c’est la quantité de grosses nécros à faire qui nous a écrasés. On était dans un état de psychose. Je me demandais sans cesse qui allait mourir. Piccoli? Jagger? » Dans le jargon, préparer une nécro avant la mort d’un artiste, on appelle ça mettre au « frigo ». Mais depuis quelques années, le frigo est vide. « On n’a presque rien en froid, explique Julien Gester. Il paraît qu’au Monde, ils ont plus de 300 nécros au frigo. Nous, on en a trois… J’exagère à peine. Pour Bowie, on a fait 32 pages alors qu’on n’avait rien de prêt le matin. 32 pages, ce n’était jamais arrivé dans l’histoire de Libé.»

Séquence émotion

« Pour David Bowie, on n’avait rien de prêt à l’avance, explique Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef de “Slate”. Les frigos ont un côté mécanique. On préfère miser sur l’émotion du moment. Pour Leonard Cohen, j’étais aux EtatsUnis pour couvrir l’élection. Trump avait été élu trois jours avant. Je n’aurais pas du tout écrit le même papier si je n’avais pas baigné là-dedans. » « J’ai écrit la nécro de Prince en deux heures, à fleur de peau, se souvient Olivier Nuc du Figaro. On a perdu des artistes qui touchent à notre propre constructi­on musicale, c’est dur d’avoir du recul. » « Pour Bowie, on a fait beaucoup d’articles parce qu’il y a plusieurs journalist­es de Slate qui avaient envie de dire des choses, raconte Jean-Marie Pottier. Pour Prince en revanche, il n’y en avait qu’un ou deux qui avaient un rapport intime à son oeuvre. » Un journal comme Libération est devenu au fil des ans une référence dans le game des nécrologie­s d’artistes. A chaque décès d’artiste, la une est très attendue. Julien Gester trouve que ça va parfois trop loin : « A mon avis, on ne peut pas le faire avec tout le monde. C’est une question de hiérarchie de l’info. Galabru, même si on l’aime bien, pour moi, c’est pas la une. Même chose pour George Michael. J’étais contre la une. Même s’il était important pour certains, il représente peu de chose pour les gens du service culture. »

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Hé oui, déjà presque un an que David Bowie est décédé.

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