Les SDF derrière les fourneaux
Le Carillon inverse le principe des soupes populaires en cuisinant pour les passants
JS, c’est le monsieur cuisine. « Gérer les quantités, préparer les légumes », précise-t-il. Miguel, lui, dépanne sur toutes les petites bricoles. Et Deiaa, un Egyptien, arrivé il y a cinq ans à Paris, ne se défait jamais de son grand sourire même pour servir de la soupe sous la pluie. Tous les trois ont pour point commun d’être SDF à Paris. Mais jeudi, le temps de préparer une soupe pour les passants de la place Félix-Eboué (12e), ils n’étaient plus seulement des sans-abri, mais d’abord des « ambassadeurs » du Carillon. Lancée fin 2015, l’association Le Carillon constitue dans Paris un réseau de commerçants prêts à rendre des petits services aux SDF. Le Carillon ne s’arrête pas là. Elle multiplie également les événements pour changer les regards sur les sans-abri. Les « soupes impopulaires », organisées régulièrement depuis cet automne, en font partie. Ces « soupes populaires » inversées sont préparées par les sans-abri avec l’aide de bénévoles et à partir des invendus des commerçants du quartier. « On est associés à toutes les étapes, raconte JS, qui a connu Le Carillon alors qu’il faisait la manche. Le matin, on récupère les invendus. L’après-midi, on épluche les légumes, on s’occupe de la cuisson. Et le soir, on sert la soupe aux passants. »
200 gobelets en une heure
Jeudi dernier, la récolte était bonne : « On a récupéré des poivrons, des patates, des champignons, du céleri, un peu de fenouil, beaucoup de tomates et même des fruits », liste Margaux, coordinatrice du Carillon dans le 12e arrondissement. De quoi remplir à ras bord une grande marmite et servir quelque 200 gobelets qui partiront en une petite heure, le soir, dans le kiosque Citoyen de la place Félix-Eboué. Ce n’était pas la seule réussite de la journée. Pour préparer la soupe, Le Carillon a été accueilli dans les cuisines du centre d’hébergement d’urgence du Casp (Centre d’action sociale protestant) qui a ouvert récemment et qui accueille des migrants et des personnes sans domicile fixe. De tout ça, Miguel, l’ambassadeur, est plutôt fier : « Nous montrons que SDF ou migrants, nous savons faire des choses, raconte-t-il. Nous aussi, nous sommes présents, nous aussi, nous sommes actifs, nous aussi, nous pouvons nous rendre utiles. »
La prochaine soupe impopulaire sera servie ce lundi soir, aux abords du cinéma MK2 Quai de Loire (19e), en amont de la projection du documentaire Un paese di Calabria, qui retrace l’histoire d’un petit village italien qui se démène pour accueillir les migrants.