20 Minutes (Paris)

Tous roulés dans la farine

La capture de poissons destinés à en nourrir d’autres pose problème

- Julie Bossart

Saumon, cabillaud, daurade… de nombreux poissons d’élevage sont nourris avec de la farine issue d’autres poissons moins prisés des consommate­urs, au risque de mettre en péril la sécurité alimentair­e dans les pays en voie de développem­ent, a accusé, mardi, l’ONG Bloom. « Entre 1950 et 2013, 25 % des poissons capturés dans le monde (...) ont été réduits en farine et en huile [ce que l’on appelle la pêche minotière] », avance l’associatio­n française, qui craint une amplificat­ion du phénomène, à cause de l’essor de l’aquacultur­e en Asie, notamment. Le scandale, que dénonce Claire Nouvian, présidente de Bloom, c’est que « 90 % des espèces ciblées pour être réduites en farines sont comestible­s ». Les bateaux-usines entrent « en concurrenc­e directe avec les pêcheries vivrières locales », notamment en Afrique de l’Ouest, posant « une grave menace » sur la sécurité alimentair­e des population­s locales. D’autant qu’« il faut quatre kilos de poisson sauvage pour faire un kilo de poisson d’élevage », rappelle Claire Nouvian. La pêche minotière a aussi « des conséquenc­es dramatique­s sur le fonctionne­ment des écosystème­s », déplore l’ONG. Les petits poissons capturés sont en effet des « poissons fourrage » dont se nourrissen­t de nombreux prédateurs, comme les marlins, ou les thons, mais aussi des oiseaux et des mammifères marins. Et après les sardines, les anchois et les sprats, ce sont désormais les poissons-sangliers ou le krill qui sont ciblés. Or, avec cette expansion géographiq­ue et spécifique, « on passe d’une activité qui repose sur une ressource sauvage, non maîtrisabl­e, à une activité qui repose sur une ressource productive, maîtrisabl­e (...) Ça devient un business plan », déplore Claire Novian.

Contraire aux règles Pourtant, le code de conduite pour une pêche responsabl­e, établi par l’Organisati­on des Nations unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO), stipule que « la pêche minotière doit être limitée aux espèces non consommabl­es comme les lançons [anguilles des sables] ». L’ONG recommande ainsi, entre autres, de s’attaquer à la surpêche et de fabriquer des farines protéinées à partir d’insectes. Elle préconise aussi une « aquacultur­e intégrée », où les poissons se nourrissen­t des déchets de l’agricultur­e et fertilisen­t eux-mêmes les plantes en libérant des nutriments.

 ??  ?? Il faut 4 kg de poisson sauvage pour faire 1 kg de poisson d’élevage.
Il faut 4 kg de poisson sauvage pour faire 1 kg de poisson d’élevage.

Newspapers in French

Newspapers from France