Tous roulés dans la farine
La capture de poissons destinés à en nourrir d’autres pose problème
Saumon, cabillaud, daurade… de nombreux poissons d’élevage sont nourris avec de la farine issue d’autres poissons moins prisés des consommateurs, au risque de mettre en péril la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, a accusé, mardi, l’ONG Bloom. « Entre 1950 et 2013, 25 % des poissons capturés dans le monde (...) ont été réduits en farine et en huile [ce que l’on appelle la pêche minotière] », avance l’association française, qui craint une amplification du phénomène, à cause de l’essor de l’aquaculture en Asie, notamment. Le scandale, que dénonce Claire Nouvian, présidente de Bloom, c’est que « 90 % des espèces ciblées pour être réduites en farines sont comestibles ». Les bateaux-usines entrent « en concurrence directe avec les pêcheries vivrières locales », notamment en Afrique de l’Ouest, posant « une grave menace » sur la sécurité alimentaire des populations locales. D’autant qu’« il faut quatre kilos de poisson sauvage pour faire un kilo de poisson d’élevage », rappelle Claire Nouvian. La pêche minotière a aussi « des conséquences dramatiques sur le fonctionnement des écosystèmes », déplore l’ONG. Les petits poissons capturés sont en effet des « poissons fourrage » dont se nourrissent de nombreux prédateurs, comme les marlins, ou les thons, mais aussi des oiseaux et des mammifères marins. Et après les sardines, les anchois et les sprats, ce sont désormais les poissons-sangliers ou le krill qui sont ciblés. Or, avec cette expansion géographique et spécifique, « on passe d’une activité qui repose sur une ressource sauvage, non maîtrisable, à une activité qui repose sur une ressource productive, maîtrisable (...) Ça devient un business plan », déplore Claire Novian.
Contraire aux règles Pourtant, le code de conduite pour une pêche responsable, établi par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), stipule que « la pêche minotière doit être limitée aux espèces non consommables comme les lançons [anguilles des sables] ». L’ONG recommande ainsi, entre autres, de s’attaquer à la surpêche et de fabriquer des farines protéinées à partir d’insectes. Elle préconise aussi une « aquaculture intégrée », où les poissons se nourrissent des déchets de l’agriculture et fertilisent eux-mêmes les plantes en libérant des nutriments.