Un professeur du lycée Suger témoigne
Ce professeur raconte l'« après » au lycée Suger
Poubelles incendiées, lancés croisés de fumigènes et de pierres… Deux jours après les heurts, la pression reste à son comble au lycée Suger, à Saint-Denis (SeineSait-Denis). L’établissement a rouvert, mais élèves et professeurs restent très marqués par cette matinée de violences, comme en témoigne Romain Testard, professeur de sciences économiques et sociales.
Comment vous sentez-vous ?
Nous sommes livrés à nous-mêmes. Notre direction, dépassée par les événements, prend des décisions contradictoires. Mardi, par exemple, elle a coupé l’alarme incendie pour pas « affoler » les élèves. Mais il y avait trois départs de feu dans les couloirs ! Ces incidents ont-ils permis d’amorcer un dialogue ? Pas du tout. L’inspecteur d’académie nous a indiqué qu’il ne soutiendrait pas les huit élèves présentés au juge [jeudi soir, six ont été mis en examen et deux placés sous le statut de témoin assisté]. Nous, nous pensons que la justice doit prendre en compte le contexte, la situation de ces gamins. Depuis le début, la direction mise sur le « tout sécuritaire ». En septembre, un surveillant du lycée a été agressé par un élève extérieur. Et tout ce qu’on nous a proposé, c’est de mettre des caméras dans les couloirs. Il faut offrir des référents à ces jeunes, et surtout ouvrir le dialogue, et non le fermer. Les cours ont repris mercredi. Comment vont vos élèves ? Les salles de classe sont encore très clairsemées. Nous passons l’essentiel de notre temps en réunion ou à discuter avec nos élèves. Ils sont choqués et ont peur, et nous ne sommes pas en mesure d’assurer pleinement leur sécurité. Ces heurts correspondent-ils à une manifestation pour soutenir Théo qui aurait dégénéré ? Il semble que ce soit le point de départ. Lundi, déjà, des élèves ont tenté de bloquer le lycée. Ils ont lancé des parpaings et des cocktails Molotov dans l’établissement. Mais cette colère est une réaction aux discriminations quotidiennes que subissent ces jeunes des quartiers populaires. D’autres établissements de la ville ont aussi été la cible de violences.