«Les Fantômes d’Ismaël» vont hanter la Croisette
Le film d’Arnaud Desplechin sera diffusé à l’ouverture
«Il est exclu de penser que nous ferons un chef-d’oeuvre ! On essaiera de faire un film vivant. » Brandissant cette réplique adressée par Truffaut à Deneuve, Arnaud Desplechin refuse de se laisser abattre par la pression que représente la projection de son film, Les Fantômes d’Ismaël, en ouverture du Festival de Cannes. « C’est un privilège que j’attends avec appétit », rétorque le réalisateur, disert et tout sourire, prêt à défendre son film, qui sort ce mercredi en salles, sans forcément prendre la mesure de l’événement et ses conséquences à venir.
« Je pense que mon film est du côté du public. »
Le réalisateur Arnaud Desplechin
D’autres Français avant lui s’en sont mordu les doigts : JeanPierre Jeunet et surtout Marc Caro, avec La Cité des enfants perdus, hué en 1994, en savent quelque chose; Luc Besson, avec
Le Cinquième Elément en 1997, mais dans une moindre mesure, car il a bien marché en salles. « Je pense que mon film est du côté du public, croit savoir Arnaud Desplechin. Je préfère compter en vibrations plutôt qu’en chiffres. » Ceuxlà, comme l’anxiété qui les accompagne, Desplechin les laissent volontiers à son producteur, Pascal Caucheteux. Desplechin a raison de prévenir que ce n’est pas un chef-d’oeuvre. Mais c’est effectivement un film vivant, et fracassant. L’histoire elle-même donne l’impression d’avoir été brisée en mille éclats sur la tête du pauvre Ismaël (Mathieu Amalric, éternel alter ego du cinéaste), dans le but d’apporter des fragments de vie à ses partenaires (Charlotte Gainsbourg, son épouse actuelle, et Marion Cotillard, sa femme revenue d’entre les morts). Le film pétille grâce à ses actrices « qui ne cessent de se réinventer », flatte Desplechin, mais laisse toutefois l’impression d’être étrangement inabouti. « Mon producteur s’est très vite rendu compte qu’il y avait en fait deux films », confie le cinéaste. Le premier, qu’il appelle sa « version originale » est celle qu’il revendique. « Elle est plus mentale, explique-t-il. L’action se passe dans la tête d’Ismaël… » Cette « director’s cut », comme l’appellent les Américains, ne sera pas diffusée à Cannes, ni même en salles (à de rares exceptions près). Le festival a préféré retenir la version d’exploitation, plus courte d’une vingtaine de minutes, qui met d’avantage l’accent sur le triangle amoureux. « Cette version est plus sentimentale, plus lumineuse », assure Arnaud Desplechin qui sait l’importance, à Cannes plus qu’ailleurs, d’avoir du glamour entre les mains.