Un déroutant djihadiste
Le profil du suspect de l’attaque à Notre-Dame intrigue
«Quand j’ai entendu la nouvelle, je me suis dit qu’il y avait une erreur », confie Sofiane Ikken. L’homme qui a attaqué un policier à l’aide d’un marteau sur le parvis de Notre-Dame de Paris, mardi après-midi, ne pouvait pas être son oncle. Mais, peu à peu, les indices se sont accumulés. Un étudiant algérien de 40 ans, ex-journaliste de surcroît, cela ne court pas les rues. En fin d’aprèsmidi, l’identité du djihadiste, Farid Ikken, a été confirmée. « J’ai appelé le reste de la famille. Personne n’arrivait à y croire, ce n’était pas du tout un intégriste », assure l’avocat algérien. Pourtant, les enquêteurs ont découvert chez Farid Ikken, à Cergy-Pontoise (Val-d’oise), une vidéo dans laquelle il prête allégeance à Daesh. Le profil du suspect, inconnu des services de renseignement, intrigue. Il effectuait depuis 2013 un doctorat en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine. « L’homme que je connais est occidentalisé dans son mode de vie et ses valeurs », affirme Arnaud Mercier, son directeur de thèse. Dans son sujet d’étude, le traitement médiatique des élections nationales au Maghreb, il témoigne d’ailleurs de son attachement aux « valeurs démocratiques et à la liberté de la presse ». Avant d’arriver en France en 2013 pour reprendre ses études, Farid Ikken a déjà un CV bien fourni. Traducteur en Algérie, il émigre en Suède en 2001. En 2008, il obtient une licence en journalisme à Stockholm, puis un master en 2010, à Uppsala. Il travaille un an pour la radio nationale suédoise avant de rentrer en Algérie. Il y monte une agence de publicité ainsi qu’un journal local et collabore avec le quotidien algérien El Watan, connu pour sa ligne radicalement anti-islam. « Al-Baghdadi, un idiot » Son neveu le décrit comme croyant et pratiquant, contrairement au reste de sa famille, « athée ». Il se souvient avoir parlé avec lui l’été dernier de la situation au Proche-Orient et de Daesh. « Pour lui, c’était une création impérialiste qui n’avait rien à voir avec l’islam. Il disait qu’Al-Baghdadi était un idiot. » Arnaud Mercier, lui non plus, n’a pas observé le moindre « signe » de radicalisation. L’incompréhension est telle que ses proches envisagent des soucis psychiatriques jamais décelés. Actuellement interrogé, le djihadiste présumé livrera peut-être lui-même les clés de compréhension de son geste.